Emile MOREL
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SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN

Tome I : De l'origine à la Révolution

Chapitre I     :    SOLS ET CULTURES

Il s'agit ici d'extraits dont le choix a été entièrement personnel donc subjectif.
*** : là où du texte a été supprimé 

I. - Géologie - Hydrologie

 Le sous-sol de la commune de Saint-Pierre-de-Plesguen est constitué par des roches granitiques. A l'Ouest d'une ligne passant approximativement par le village du Fertay, en Plesder, le bourg de Saint-Pierre-de-Plesguen et le Tertre-Guy, en Tressé, on trouve de la granulite granitique à mica blanc. A l'Est de cette ligne, c'est le granit (1) à mica noir ; il est plus foncé que la granulite.

Ces roches ont pris naissance dans les profondeurs de la croûte terrestre. Si nous les voyons aujourd'hui en surface, c'est que les terrains, qui à l'origine les recouvraient, ont été enlevés par l'effet de phénomènes divers, et en particulier par l'érosion. Elles s'étaient d'ailleurs élevées en traversant une formation antérieure de nature schisteuse, appelée phyllades de Saint-Lô, que nous retrouvons, de part et d'autre du territoire communal, en Pleugueneuc, vers le Sud, à partir du ruisseau qui alimente l'étang du Rouvre, en Miniac-Morvan, vers le Nord, après le Vieux-Bourg. Le dit schiste se présente sous forme de plaquettes plus ou moins épaisses et régulières.

Les roches granitiques ont été traversées, à leur tour, par une nouvelle roche : la diabase appelée communément « pierre de fer »  dans la région. Celle-ci se présente en filons sensiblement parallèles et de direction approximativement NE-SO, qui ont généralement peu de largeur, quelques mètres seulement, mais leur longueur atteint parfois plusieurs kilomètres. Découpant la masse granitique et étant très fissurés, ils canalisent les eaux profondes et sont à l'origine de nombreuses sources d'eau de bonne qualité. Plusieurs filons traversent le bourg et ont permis l'alimentation en eau de ses habitants avant l'arrivée de l'eau sous pression. Contrairement aux roches granitiques qui sont acides, les formations de diabase sont basiques.

Au début de ce siècle, on utilisait la « pierre de fer » à la construction des chaussées de routes. On trouvait alors, dans les champs, de très gros blocs de cette pierre que l'on faisait éclater par la chaleur pour mieux les débiter à la masse. Il existait aussi des carrières ouvertes sur le passage des filons.

Le granit est exploité dans la commune depuis plusieurs siècles. On a commencé par extraire la granulite du Pas-de-Plesguen. On exploite aujourd'hui le « granit bleu » vendu improprement sous le nom de granit de Lanhélin qui peut fournir des blocs volumineux que l'on polit, comme le marbre, avec des machines automatiques perfectionnées. On l'exploite au Rouvre, au Rocher Abraham et à Chauffetière.

Ce granit a été utilisé notamment à la construction du viaduc de Dinan, des quais du port de Saint-Malo - Saint-Servan, des églises de Cancale, de Saint-Servan, etc... Il était exporté autrefois dans les îles Anglo-Normandes. Aujourd'hui, on l'utilise surtout pour l'édification de monuments publics et privés, notamment des tombeaux. La colonne des Jeux Olympiques de Grenoble, en 1968, provient de la carrière de Chauffetière (cent quarante tonnes de pierre en cinq blocs).

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Aujourd'hui, trois rivières, qui sont de gros ruisseaux, drainent les eaux recueillies sur le territoire de la commune. Elles se dirigent toujours vers le Nord.

La rivière de Coëtquen, la plus à l'Ouest, descend des hauteurs du Pas-de-Plesguen, alimente l'étang de la Chesnais et s'encaisse en approchant de Coëtquen où existait autrefois un très vaste étang aujourd'hui asséché. Elle reçoit sur sa droite quelques petits ruisseaux, dont la Gavet qui passe au pied Ouest du bourg et alimentait l'abreuvoir remblayé du Fautret ; il traverse ensuite l'ancienne prairie dite de la Chesnais qui présente à son extrémité Nord tous les signes d'un étang remblayé. La rivière de Coëtquen reçoit enfin les eaux de l'étang de la Noë-Davy qui s'envase irrémédiablement, mais dont la surface est merveilleusement fleurie au printemps. Une moitié seulement de cet étang est située dans la commune de Saint-Pierre-de-Plesguen. D'autres eaux viennent s'ajouter à celles de cette rivière et le tout s'écoule vers la Rance qui est atteinte dans la plaine maritime du Bas-Champ en Pleudihen.

La rivière le «Meneuc» prend également sa source sur les hauteurs du Pas-de-Plesguen. Elle coule d'abord en direction de l'Est où elle marque la limite communale avec Pleugueneuc et vient alimenter l'étang du Rouvre. Puis prenant la direction Nord, elle s'en va buter sur les rochers du Tertre-Guy qui la forcent à contourner le bourg de Tressé par l'Ouest ; elle alimente l'étang du Guébriant et s'enfonce ensuite dans le profond et étroit défilé qui la conduit à l'étang du Bas-Miniac (en Miniac-Morvan). Elle poursuit son cours, mélange ses eaux à celles de la rivière du Tronchet et, celles-ci réunies, vont se perdre dans la baie du Mont Saint-Michel.

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Aux siècles passés, cette rivière le «Meneuc» était équipée pour fournir le maximum d'énergie hydraulique. Ses eaux faisaient, en effet, tourner successivement les meules d'au moins huit moulins entre le Rouvre et le Bas-Miniac. L'un de ces moulins, situé dans le défilé du Bas-Miniac, était équipé au XV° siècle pour fouler le drap fabriqué dans les environs. Avec le temps et le progrès scientifique, le bruit des meules s'est peu à peu affaibli et aujourd'hui elles se sont tues. Le dernier d'entre eux, le moulin du Rouvre, après avoir rendu de grands services aux habitants des villages voisins pendant la dernière guerre, n'a pu résister au progrès, il a cessé de moudre en l'année 1964.

Enfin, la troisième rivière que nous appellerons la « rivière du Tronchet» prend sa source sur les pentes du Cobac et contournepar l'Ouest le bourg de Lanhélin, continue à couler sur l'emplacement de l'ancien étang du Bois-Hue, traversé actuellement par la route de Saint-Pierre-de-Plesguen à Lanhélin, et se dirige vers le bourg du Tronchet. Puis traversant la masse granitique s'allongeant du Vieux-Bourg au Tronchet, elle gagne bientôt la rivière le «Meneuc» à laquelle elle apporte ses eaux.

Les deux rivières de Coëtquen et du Tronchet servent de limites territoriales de Saint-Pierre-de-Plesguen à l'Ouest et à l'Est.

II. . Sols arables . Cultures

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Les crêtes granitiques, non cultivables, sont en général boiséeset l'on y trouve des futaies de beaux chênes, châtaigniers, hêtres... La culture se fait sur les arènes granitiques relativement perméables. Au pied des pentes existent des prairies souvent humides à cause de l'égouttement de l'eau provenant des dites arènes ; des drainages y sont nécessaires. Enfin, sur des terres plates, fortement argileuses, humides, ainsi que dans certains bas-fonds poussent des bruyères et des ajoncs ; on y rencontre aussi parfois quelques taillis de médiocre qualité.

RÉPARTITION DES CULTURES

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Nous remarquons que depuis Ogée (1750 environ) la superficiedes terres labourées n'a pratiquement pas varié ; on trouve, en effet, aux trois dates : 1306 ha, 1305 ha et 1310 ha. Elle représente à peine 44 % de la superficie totale de la commune, elle doit faire le plein des surfaces cultivables rentables.

Par contre, on a défriché beaucoup de landes, 92 hectares entre les deux premières dates et au total 358 hectares, soit prèsde la moitié de celles qui existaient au temps d'Ogée. Ou en a surtout fait des prairies et des pâtures. Ceci montre que, de bonne heure, les cultivateurs se sont dirigés vers l'élevage. En même temps qu'une source de revenus appréciables, cette production, en s'intensifiant, permettait d'apporter progressivement sur la table familiale une plus grande variété de produits énergétiques de qualité et d'améliorer l'alimentation des habitants.

La direction nouvelle est déjà nettement visible au début du XIX° siècle. Elle est d'ailleurs le résultat d'actions que nous voyons se développer au cours du XVIII° siècle. Au début de ce siècle, en effet, l'agriculture bretonne se trouvait dans le marasme. Les autorités provinciales s'en inquiétèrent. Une enquête de l'Intendant Général, prescrite par lettre du 22 avril 1737, demandait de rechercher les causes de l'abandon des terres et les remèdes qu'on pouvait y apporter, notamment par la mise en valeur des terres incultes.

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En plus d'une action tendant à mettre en valeur des terresincultes, on se mit aussi à étudier de nouvelles productions agricoles et à améliorer les anciennes.

En 1757 fut fondée la Société d'Agriculture, de Commerce et des Arts en Bretagne. M. Gouin, seigneur du Rouvre, en faisait partie au début, à titre d'associé pour l'évêché de Dol. Elle donna certains résultats. Elle montra en particulier aux cultivateurs l'intérêt qu'ils avaient à aménager des prairies artificielles. L'introduction du trèfle dans l'alimentation du bétail date de cette époque.

RENDEMENTS ET PRIX PRATIQUÉS PENDANT LE XVIII~ SIÈCLE

Les sols de la commune ne pouvaient être que médiocrement fertiles, à cause d'une certaine acidité tenant à la nature même des terrains granitiques. Si certaines productions comme le se1gle et le blé noir recherchaient ces terres, par contre d'autres productions, et les plus nombreuses, notamment le froment, demandaient pour fournir un rendement honorable qu'elles soient « amendées », c'est-à-dire rendues moins acides.

Pour réduire cette acidité, il fallait « chauler » la terre, c'est-à-dire répandre en surface des matériaux à base de calcaire. Au Quiou, près d'Evran, on trouvait du « sablon » ou « falun » ; au Bas-Champ, en Pleudihen, on trouvait, dans l'ancien lit de la Rance, de la marne calcaire. Mais les transports étaient longs et les chemins peu carrossables en hiver, il fallait attendre une saison propice aux charrois. Souvent les cultivateurs transportaient des bois à l'entrepôt du Bas-Champ et au retour se chargeaient de marne.

Ils employaient évidemment d'autres produits pour fertiliser leurs terres, et en premier lieu le fumier de leurs étables et écuries qu'ils appelaient « le marnix » ou « manis ».

Ainsi un procès-verbal de visite des terres de la Jéardière parle nouveau propriétaire, M. de Ruberzo, le 23 décembre 1720,emploie ce mot pour plusieurs parcelles en culture, ainsi : « Le clos de la Roche est en retour de blé noir manissé». Ce mot est d'ailleurs explicité par les deux textes ci-après : a) constat du13 septembre 1783 : « Les bestiaux qu'on mettrait dans cette étable y feraient des marnix dont le jus portant contre le mur du sieur de Champbesnard le pourrirait... » ; b) bail du 13 décembre 1783, on lit que : « Les marnix tirés hors des étables sont mis en monceau dans la cour de la dite métairie ».

Un moyen de fertilisation des terres employé depuis fort longtemps dans la commune était l'écobuage. Il a donné son nom à de nombreuses parcelles de terres appelées aujourd'hui « Lécaubut ». Il était utilisable sur les terres en friche ou gazonnées, dont on ameublissait le sol sur sept à huit centimètres ; ensuite, on rassemblait les herbes et autres produits végétaux, on les brûlait, puis on répandait les cendres sur la surface écobuée.

Les meilleures terres de la commune pouvaient produire du froment et de l'orge, mais les autres, les plus nombreuses, ne pouvaient produire alternativement que du seigle, du blé noir etde l'avoine. A cette époque, le mot « bled » avait une signification étendue. Ainsi, dans un acte du 18 juin 1790, Mathurine Guyot reconnaît devoir à chacun de ses quatre enfants cinq boisseaux de bled, à savoir: un de seigle, un de métillon, deux de bled noir et un d'avoine. Le manque d'engrais obligeait à pratiquer la jachère, c'est-à-dire à laisser la terre se reposer un certain temps avant de réensemencer.

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COUP D'OEIL SUR LES XIX° ET XX° SIÈCLES

Le XIX° siècle entreprit l'étude scientifique des plantes et des méthodes de cultures. Les campagnes commencèrent à être désenclavées ; les premières voies vicinales de grande, moyenne et petite communication furent construites avec l'aide de l'Etat et du Département. Aux approches de 1900, les engrais chimiques commencèrent à être employés dans la commune, mais les cultivateurs ne s'étaient pas encore libérés complètement de la jachère. Si une amélioration était obtenue dans la fertilité des sols, elle n'était pas générale ni surtout importante.

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Avec des engrais convenables, on obtient de gros rendementspour toutes les productions.

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BOISSON LOCALE

Le cidre était la seule boisson des habitants aux siècles passés. Certaines qualités de pommes et de poires étaient, de plus, utilisées pour faire de la confiture familiale qui était mangée au cours de l 'hiver suivant la récolte. La production de pommes à cidre était très importante et rémunératrice pour les cultivateurs; il en était expédié dans les villes voisines. Le cidre pressé à la ferme était logé dans de grands fûts en bois de quatre, cinq et six barriques de contenance. Le cultivateur en vendait aux débitants de boissons de la région ; il transportait le fût chez le commerçant et le reprenait vide.

Depuis la fin de la guerre 1914-1918, le vin et la bière ont été de plus en plus appréciés par les habitants ; la production du cidre a fortement baissé, non seulement ici, mais dans toute laBretagne. L'Etat a sans doute vu cette réduction de production d'un  bon oeil, puisqu'il a subventionné l'arrachage des pommiers.

Pourtant le cidre est une boisson agréable, très saine et surtout peu alcoolisée : 4 à 5° environ. Le cidre bouché pétillant vaut tous les vins de table ordinaires. La preuve en a été donnée lors de l'interville Saint-Malo- Mâcon de la télévision, à Saint-Malo, en1963. Le dégustateur professionnel de Mâcon a pris le cidre bouché qu'on lui donnait à goûter pour du vin, sans pouvoir lui donner un nom. Son désavantage dans les hôtels est peut-être d'être trop bon marché.

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