Emile MOREL
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SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN

Tome I : De l'origine à la Révolution

Chapitre III     :    DE LA PREHISTOIRE AU XIV° SIECLE

Il s'agit ici d'extraits dont le choix a été entièrement personnel donc subjectif.
*** : là où du texte a été supprimé

I. - Un peu de préhistoire

Des hommes appartenant aux premières civilisations humaines que l'on connaisse ont vécu et laissé des traces dans notre région.

Les savants ont en effet reconnu, au bourg de Saint-Hélen, sur la pente même du haut mamelon actuellement couronné par un immense réservoir d'eau, en béton armé, l'existence d'un atelier dit «acheuléen» dont ils estiment l'âge à plus de cent cinquante mille ans.

Un autre atelier préhistorique, situé même commune, auprès Nord de la route nationale de Dol à Dinan, au lieu-dit le Bois-du-Rocher, non loin de la Ganterie, a été également reconnu. A côté existe une allée couverte visible de la grande route.

Les hommes de cette époque très ancienne, dite « paléolithique »,se servaient d'armes et d'outils faits uniquement de pierre taillée. La matière première utilisée était le silex, le quartzite, le grès, lad iorite, etc..., pierres dures qu'ils faisaient d'abord éclater au feu et taillaient ensuite en utilisant d'autres pierres.

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II. - La Gaule celtique

Les Celtes sont les premiers peuples connus de la Gaule. Ils occupaient déjà son sol au V ème siècle avant Jésus-Christ. Ils avaient la réputation d'être d'excellents métallurgistes ; ils avaient une épée de combat en fer.

Arrivés sans doute en conquérants, ils se mélangèrent aux autochtones tout en les dominant. Ils se fixèrent définitivement dans le pays et s'employèrent à défricher son sol et à le mettre en état de subvenir à leur existence. Ce sont les Gaulois de notre histoire.

On les voit alors pratiquer l'agriculture et l'élevage, s'adonner au commerce et développer peu à peu des industries variées : mines, métallurgie, tissage, poteries, marine, etc...

La population vivait presque exclusivement à la campagne ; les villes étaient peu nombreuses et leur population faible. L'Etat, au sens où nous le concevons, n'existait pas. L'autorité était entre les mains des chefs et des grands propriétaires qui constituaient la classe noble. Le chef de famille avait droit de vie et de mort sur ses enfants. La terre était cultivée par des paysans libres. Les esclaves étaient utilisés pour les services domestiques; on en faisait aussi un article de commerce au même titre qu'un animal domestique.

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III. - La Gaule romaine - L'Armorique

Quand César vint administrer la partie de la Gaule déjà romaine, bordant la Méditerranée, des Alpes aux Pyrénées, il comprit assez vite que les inimitiés existant entre les peuplades de la Gaule restée indépendante pourraient favoriser la réalisation du dessein qu'il avait déjà conçu de la conquérir.

Il profita du premier prétexte valable pour y pénétrer et s'y maintenir. Certaines peuplades l'accueillirent, mais d'autres, comprenant le danger, lui résistèrent. Trop faibles, elles furent réduites à l'impuissance. Tel fut le cas des peuplades de notre Bretagne actuelle.

En l'an 56 avant Jésus-Christ, César lança ses troupes contre la coalition des Armoricains qui avaient à leur tête les Venètes et qui avaient refusé d'approvisionner en blé les armées romaines. Les peuplades coalisées résistèrent sur terre, mais elles furent vaincues dans une bataille navale contre les Venètes, qui eut lieu vraisemblablement dans les environs de la presqu'île de Quiberon.

César traita alors le vaillant peuple des Venétes avec une brutalité de barbare. Tous leurs représentants furent égorgés et  une bonne partie de la population réduite à l'esclavage et mise en vente comme du bétail.

Malgré cette défaite, la Gaule ne se considérait pas encore vaincue. Vercingétorix réussit à rétablir un sentiment d'unité entre diverses peuplades qui lui envoyèrent des contingents de soldats ; les Armoricains lui envoyèrent dix mille hommes. Les hostilités recommencèrent, mais malheureusement Vercingétorix fut vaincu à Alésia en l'an 52 avant Jésus-Christ.

La Gaule entière tomba alors sous l'autorité romaine et ne put redevenir libre, malgré des tentatives de révoltes qui se prolongèrent encore au cours du premier siècle de notre ère.

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IV. . La Bretagne armoricaine

Les barbares continuent leur poussée vers l'Ouest, tant sur le continent que sur l'île de Bretagne. Les troupes romaines stationnées dans cette île sont rappelées pour renforcer celles qui résistent sur le continent. Les Bretons insulaires, délaissés, sont alors assaillis à la fois par la Scots d'Irlande, les Pictes du Nord et les barbares de l'Ouest (Alains et Saxons). Nombre d'entre eux, surtout les Gallois, décident, afin d'échapper à l'envahisseur, de s'expatrier et de gagner le continent, en particulier la partie de l'Armorique qui, plus tard, deviendra notre Bretagne.

On voit alors des chefs de clan rassembler leurs familles et traverser avec elles la mer, espérant trouver sur l'autre rive une terre libre sur laquelle ils auraient la possibilité de vivre. Ils s'y installent ; mais ils n'oublient pas leur pays d'origine avec qui ils  reprendront contact quand les circonstances seront favorables. La faible densité de la population armoricaine leur donne, en effet, la possibilité d'appeler à eux des compatriotes. Un courant d'immigration, presque continu, s'établit entre les deux côtés de la Manche pendant la seconde moitié du V ème siècle et tout le VI ème siècle.

A ces familles, déjà chrétiennes, se joindront ou suivront des ermites et des moines qui vivront au milieu d'elles pour soutenir leur foi, les aider dans les difficultés de leur existence matérielle et évangéliser les autochtones encore païens. Des monastères seront créés ; ils deviendront des centres de rayonnement spirituel, mais aussi des centres agricoles qui serviront de modèles aux émigrés pour les travaux indispensables de la terre. Des évêques même traverseront la mer et s'installeront en Armorique : tel saint Samson à Dol. Ce sont ces chefs religieux qui organiseront à la fois l'Eglise et la société bretonne continentales.

Les émigrés, aussitôt débarqués, se divisent en petits groupes et vont s'établir en des lieux qui constitueront le noyau d'un grand nombre de nos paroisses rurales. Ces lieux sont généralement reconnaissables à leur nom où l'on trouve les préfixes plou, plé,pleu, ples et aussi lan et lac. Ils sont situés surtout dans l'Ouest de la péninsule et le long de la côte Nord jusqu'au Couesnon.

Ces émigrés parlaient breton. Les peuples de l'Armorique, chez qui ils se fixaient, parlaient-ils une langue celte voisine de ce«breton» insulaire ? On admettait, il y a quelques années, qu'il n'en était rien. Mais avec quelques érudits et les études récentes de M. le chanoine Falc'hun, professeur à la Faculté de Rennes, on peut admettre qu'ils parlaient une langue celte proche de ce«breton» et que les deux populations se comprenaient.

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- La constitution des paroisses

Les Bretons se groupèrent en certains lieux où, plus tard, ils constituèrent des paroisses.«On entend par paroisse, une église dans laquelle le peuple d'un certain territoire circonscrit et limité anciennement est obligé de s'assembler les dimanches et fêtes pour participer à l'office divin et y recevoir les instructions concernant les devoirs du chrétien»(La Paroisse, par l'abbé Jean Popot et Denise-Aimé Azan, 1965).Les paroisses avaient été créées au IV ème siècle, par saint Martin, évêque de Tours. Avant la Révolution française de 1789, la paroisse était une unité administrative, à la fois territoriale et religieuse (pour son administration, voir un article au chapitre Eglise). Depuis, l'unité territoriale a pris le nom de commune ; l'unité religieuse a conservé le nom de paroisse. Les deux coexistent dans les limites du territoire communal. Plusieurs paroisses peuvent exister à l'intérieur d'une même commune, si celle-ci est importante.

LA PAROISSE DE PLESGUEN

Un groupe d'immigrants, sous la conduite d'un chef, vint donc se fixer sur le territoire de notre commune au V ème ou VI ème siècle, à une date qu'il n'est pas possible de préciser, espérant y vivre une existence nouvelle, probablement meilleure, en la partageant éventuellement avec les quelques autochtones du lieu.

Arrivèrent-ils en nombre ou successivement par petits groupes ?Une chose est sûre, les premiers arrivés durent faire reconnaître les lieux avant de s'y fixer définitivement.

Le territoire, qui s'étendait à l'intérieur des limites actuelles de notre commune, devait alors être fortement boisé, avec des landes et quelques larges clairières. Des habitants y vivaient ou y avaient vécu, car on a trouvé en deux points, ainsi que nous l'avons déjà dit, des tuiles de l'époque gallo-romaine.

Les immigrants, venant par mer de la grande Bretagne, durent débarquer en un lieu proche de l'embouchure de la Rance ; peut-être même à cette embouchure, à Alet, ville gallo-romaine. S'ils prirent pied sur la rive droite de la Rance, ils purent alors suivre, vers l'intérieur des terres, le grand chemin d'Alet à Rennes qui existait à l 'époque. Dans cette hypothèse, on comprend qu'ils se soient arrêtés au lieu du bourg actuel de Plesguen, à un carrefour de deux grands chemins. Le site était un point haut, facile à défendre, la vue était étendue et il possédait au surplus de bonnes sources d'eau potable.

Les nouveaux venus, alors fixés sur le territoire, cherchèrent aussitôt le moyen de subvenir à leurs besoins matériels. Après avoirétabli quelques habitations sommaires leur permettant de s'abriter, ils durent se mettre à essarter, défricher, ensemencer, etc... Il leur fallait vivre du travail de la terre.

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VI. - Le régime féodal et l'Ancien Régime

Charlemagne avait fondé un immense empire que son fils, Louis le Débonnaire, eut du mal à maintenir intact. Les trois fils de celui-ci décidèrent, après la mort de leur père en 839, de le partager, ce qui donna lieu au Traité de Verdun en 843.

L'un des fils, Charles, obtint la partie Ouest de l'empire, c'est-à-dire la plus grande partie de la France actuelle.

Mais ce démembrement volontaire de l'empire de Charlemagne sera suivi, sous l'action des Barbares, par le morcellement des royaumes issus de ce partage.

Le roi de France, en particulier, est impuissant à les repousser ;il est obligé de traiter avec eux. A l'intérieur du pays, son autorité va en s'affaiblissant. Un nouveau principe de gouvernement va prendre naissance : le principe vassalique.

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VII. - La Noblesse - La Seigneurie

La noblesse a existé dans toutes les civilisations et à toutes les  époques. En France, elle formait un corps social qui, sous l'autorité royale, comprenait à l'origine ceux qui possédaient une délégation de ce pouvoir suprême. Ils étaient pourvus d'un commandement militaire, d'une haute fonction administrative ou judiciaire.

Sous la féodalité, tout homme d'armes qui s'était fait remarquer par sa vaillance et ses exploits pouvait être fait « chevalier » et par là même acquérir la noblesse. Mais à partir du XIII ème siècle, la qualité de noble ne put être obtenue que par un acte de volonté du souverain.

Certaines fonctions menaient à la noblesse. Les riches bourgeois purent aussi, mais en payant, obtenir la qualité de noble. Il existait encore d'autres moyens de l'acquérir.

Le noble possède des privilèges. Il est exempt de certains impôts; il perçoit le cens sur les terres qu'il possède, certaines fonctions lui sont réservées. Le fils d'un noble est noble, ainsi que sa descendance. Le fief d'un noble, c'est-à-dire la terre qu'il possède, a le caractère de noble et passe à ses enfants avec les droits et les charges qui y sont inclus.

A partir du haut moyen âge se constitue la féodalité, bâtie sur le principe de la vassalité. Tout noble a un suzerain et il peut avoir des vassaux. Le suzerain supérieur est le roi, le plus petit des vassaux nobles n'est généralement qu'un paysan qui cultive lui-même sa terre et se distingue à peine des roturiers, ses voisins.

Jusqu'à la Révolution de 1789, le principe du droit public était« l'inégalité entre les hommes ». Le corps social comprenait trois ordres: le Clergé, la Noblesse et les Tiers-Etat. Les hauts dignitaires du clergé étaient de famille noble.

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VIII - Les juridictions seigneuriales en Plesguen

Toutes les seigneuries ne possédaient pas des droits de juridiction. Nous connaissons seulement celles qui en étaient pourvues au cours du XVIII ème siècle.

Les habitants de la paroisse étaient soumis dans leurs procès à l'une ou à l'autre des juridictions seigneuriales ci-après, dont l'existence est plus ancienne.

Suivant le cas, on était traduit et jugé en « haute justice », en« moyenne justice» ou en « basse justice». Les compétences de chacune n'étaient pas très bien définies.

Les seigneuries possédant la haute justice sont:

- l'abbaye du Tronchet. Elle s'exerce au Tronchet ;- Coëtquen (marquisat). Elle s'exerce près le château de Coët-quen en Saint-Hélen.

Les seigneuries possédant les moyennes et basses justices sont :

- le Rouvre (châtellenie). Elle s'exerce au bourg de Plesguen ;- la Jéhardière. Elle s'exerce au bourg de Plesguen ;- la Chesnais-au-Porc. Elle s'exerce au bourg de Plesguen ;- la Sauvagère-Ferron. Elle s'exerce au bourg de Plesguen.

Seules les « hautes justices » avaient le pouvoir de condamner à la peine capitale. Le gibet du Tronchet existait auprès de l'abbaye,à la métairie des Lauriers. Le gibet de Coëtquen était placé près la route de Saint-Malo à Rennes, au Pas-de-Plesguen, en Plesguen. Onvoit encore là une croix, dite de justice, avec sculptée sur la face arrière une épée en pal (la pointe en bas).

IX. - Les premiers seigneurs connus dans notre région

Il faut arriver au XI ème siècle pour connaître les noms despremiers seigneurs ayant vécu ici et dans les environs proches.Dans son Histoire de Bretagne, Dom Lobineau donne une listede quelques seigneurs vivant au XI ème siècle et habitant la région. Ilcite pour l'évêché de Dol, dont faisait partie la paroisse de Plesguen,entre autres, les seigneurs « de Saint-Brolade, de Boutier, de Plesguen,de Maingui, de Trémigon, les Lechat, les Bouteillers, les Hingant, les Gouion, les Morel, les Lanrigan et les Sénéchaux de Dol,origine des seigneurs de Beaufort... ».

Ces noms sont encore bien connus aujourd'hui dans la région. Mais l'un d'eux montre qu'il existait un seigneur important dansnotre paroisse, puisqu'il en a pris le nom : c'est Plesguen. Peut-être même que Maingui, qui a donné son nom à l'un de nos villages, habitait aussi la paroisse.

Mais il faut arriver à l'année 1226 pour connaître le premier des Plesguen. C'est Garin de Plesguen, chevalier. Nous donnons plus loin les renseignements que nous avons pu recueillir sur cette importante famille féodale dont le nom s'est éteint au cours duXVI ème siècle et dont l'existence a quitté la mémoire de la majorité des habitants actuels de la commune.

X. - Les seigneurs féodaux et l'Eglise

Les pirates normands, boutés hors de Bretagne, laissèrent derrière eux bien des ruines : à la fois matérielles, morales etreligieuses.

Nous avons, de plus, montré que les seigneurs féodaux, possesseurs du sol, se considéraient comme des monarques absolus ayanttous les pouvoirs et tous les droits, même dans le domaine des affaires religieuses.

A cette époque, X ème et XI ème siècles, l'Eglise est alors en pleine décadence. Le célibat ecclésiastique n'est plus observé ; on connaît des évêques et des prêtres mariés. La simonie ou trafic des choses saintes (sacrements, dignités, etc...) est assez courante. Enfin, évêchés et églises deviennent des propriétés privées, transmissibles par héritage. Leurs revenus, entre autres la dîme, sont accaparés par leurs possesseurs qui sont généralement des seigneurs laïques.

Léon IX, pape en 1049, entreprit de réformer l'Eglise. Grégoire VII, l'un des plus grands papes selon l'histoire, voulutà  son tour (1075) réaliser complètement la réforme, c'est-à-dire extirper la simonie, la clérogamie et supprimer l'investiture laïque.I l interdit à tout laïque, sous peine d'excommunication, de posséder des bénéfices ecclésiastiques et à tout ecclésiastique de recevoir de tels bénéfices des mains d'un laïc. Il fallait aussi réformer l'ensemble de la hiérarchie ecclésiastique. Cela demande beaucoup de temps.

Les documents que nous possédons pour notre paroisse montrent que des laïcs possédaient toujours des ressources appartenant à son église au XIII ème et même au XIV ème siècle.

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Nous apprenons encore qu'en 1298, Philippe Barbe et Honorate, son épouse, vendent à l'abbaye du Tronchet une dîme en Plesguen, dans le territoire de Jean Mahé. Le texte ne nous précise pas la situation des terres productrices de cette dîme. Nous remarquons toutefois qu'à l'époque, l'évêque de Dol s'appelait Jean Mahé et pouvait être originaire de la paroisse de Plesguen. Il devait y posséder des terres et il est probable que celles-ci se trouvaient dans la région Nord-Est de la paroisse où l'abbaye possédait un bailliage à la Cocherie.

Le XIV ème siècle à peine commencé, nous apprenons qu'en l'année 1303 un personnage est, lui aussi, allé frapper à la porte du chapitre de Dol pour obtenir un prêt. En effet, celui-ci prête30 livres à Jean Legouz et à Mathée, sa femme, et obtient d'eux en gage la jouissance pendant sept ans de quelques dîmes levées à la Bachouaye en Plesguen. Ce village existe toujours.

Enfin, Geoffroy de Plesguen possédait, lui aussi, des dîmes appartenant à l'église. Nous verrons, dans l'histoire de cette famille, qu'en 1375 il en remet à l'abbaye du Tronchet avant de partir en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice.

Comme on le voit, l'Eglise, dans l'évêché de Dol, eut beaucoup de mal à recouvrer sa liberté vis-à-vis des seigneurs laïcs et à retrouver les ressources qui lui permettaient de remplir sa mission religieuse et charitable.

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