Emile MOREL
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SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN

Tome II : De la Révolution au début du XX ème siècle

CHAPITRE VII : LA RÉVOLUTION DE 1789

Il s'agit ici d'extraits dont le choix a été entièrement personnel.
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: là où du texte a été supprimé

I. - Du début à la nuit du 4 août 1789

Dans son ouvrage sur la « Révolution », M. Louis Madelia, de l'Académie Française, écrit ce qui suit :

« En réalité, cette Révolution se devait faire, nous la verrons dégénérer et sortir de son caractère primitif ; il n'en va pas moins qu'elle était fatale et d'ailleurs nécessaire... ». Et il nous donne, en quelques phrases, les causes générales : « Les classes privilégiées sont incapables de défendre leurs privilèges ; la noblesse est divisée et affaiblie, le clergé est coupé en deux et incertain de ses droits. En face, une bourgeoisie qui aspire violemment au pouvoir par la conquête de l'égalité et de la liberté... ; sous elle et la portant, une plèbe rurale décidée à assauter les privilèges et, si le roi défend les privilèges, à mettre en pièces le « despotisme » ; et une plèbe citadine affolée par la misère et facile à exalter jusqu'à la sédition. Entre les classes qui s'affrontent, un gouvernement qui, dépourvu de toute politique, ne sait jouer son rôle d'arbitre et qui, démuni de force, ne peut plus jouer son rôle de maître ».

Nous ajouterons les quelques circonstances suivantes : mauvaises récoltes et disette apportant le pain cher, hiver de 1789 très rigoureux, mendiants affamés parcourant les campagnes qui n'étaient plus sûres, émeute dans les villes, chômage...

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« En effet, de temps pour ainsi dire immémorial, on voit que la noblesse bretonne, avec le clergé, par un abus aussi injuste que condamnable, se sont arrogés (sic) des droits et des privilèges sur le Tiers-Etat.

« L'oppression générale, qui est d'autant plus considérable dans cette paroisse qu'il y a la plus grande partie où beaucoup de biens ecclésiastiques et nobles, et qui ne participent en aucune manière aux charges et corvées publiques de cette paroisse, à l'exception de son seigneur fondateur et de ses illustres prédécesseurs qui se font et se sont toujours fait gloire de protéger, non seulement leurs vassaux, mais encore tous ceux de leurs paroissiens dont les besoins ont été à leur connaissance (1), mais ces secours, quoique multipliés ne peuvent dédommager les habitants de cette paroisse pour les charges considérables et accablantes auxquelles elle est annuellement assujettie (fouages, capitation), corvées par la construction du nouveau grand chemin, mais encore par les diverses carrières qu'on a ouvertes sur ces mêmes possessions le long de la route sur presque une lieue et demie de terrain, pour l'empierrement de parties de la tâche de corvée de la paroisse de Meillac et pour celui des tâches de corvée des paroisses de Lanhélin, Trévérien, Plesder et de cette paroisse, et qui emporte au moins un quart de l'année des habitants pour l'entretien de cette route, en conformité des ordres réitérés donnés annuellement par les surveillants de ces grands chemins qui, non contents de se voir élevés au commandement sur des malheureux, semblent n'occuper leur place que pour augmenter le malheur des pauvres corvoyeurs et les tyranniser.

« Les habitants décident de nommer, entre nous, quelqu'un qui puisse aller se jeter au pied du trône pour y supplier très humblement l'adjudication des articles suivants. »

(Ces articles sont reproduits dans la lettre ci-après du 4 avril 1789, intitulée «Mémoire des deux députés de Saint-Pierre-de-Plesguen.)

ASSEMBLÉE ÉLECTORALE DU 31 MARS 1789

La tradition voulait que les députés aux Etats-Généraux fussent porteurs des « Cahiers de doléances » de la population, c'est-à-dire exposant leurs plaintes et formulant leurs voeux et désirs.

La rédaction de ce cahier de doléances fut faite par l'assemblée des habitants convoqués par le recteur le 31 mars 1789. En voici le procès-verbal, d'après A. Sée et A. Lesort.

« Le 31 mars 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Charles Pierre Gabriel Duval, procureur fiscal de la juridiction et ancienne châtellenie du Rouvre sur le fief de laquelle est l'église de cette paroisse. » «(Soixante-dix-sept habitants furent présents.) Ils élirent les deux députés: Claude Guiot (père) et Mathurin Louvel.

«Ce dernier a refusé d'accepter cette charge sans apporter aucun titre ni moyen d'exemption et ensuite s'est retiré de l'assemblée, ce que nous avons pris pour un refus formel de sa part d'obéir aux ordres de sa Majesté et un grand éloignement de l'esprit patriotique, de justice et d'équité, qui paraît et qui effectivement fait mouvoir tous les membres composant le Tiers-Etat de cette province. »

L'assemblée a déclaré ne vouloir nommer aucun autre député «pour la raison qu'il est un des plus propres pour remplir cette commission et un des plus intéressés, pour la raison qu'il a et prétend de grandes possessions ».

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CAHIER DE DOLÉANCES

Il est intitulé : Cahier et mémoire des plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen, formé pour être remis à leurs députés qu'ils vont nommer après la rédaction du présent procès-verbal de ce jour, pour, par eux, être porté et présenté à l'assemblée qui se tiendra à la ville de Rennes le mardi 7 avril prochain. Voici un extrait :

ARTICLE PREMIER - Cet article reprend les doléances déjà vues ci-dessus, contre la corvée des grands chemins qui les oblige à être trop longtemps absents de leur domicile et les empêche de cultiver leurs terres, ce qui les appauvrit, etc... Il se termine par : « Nous prions qu'on jette des yeux favorables sur notre pauvre misère et sur notre pauvreté et de vouloir supprimer les dites corvées, attendu que les Messieurs de la Noblesse et du Clergé n'en ont jamais fait de leur part et si, au contraire, cette corvée se trouvait à n'être point supprimée, nous demandons qu'elle serait supportable par les trois ordres à proportion de leur richesse ».

ART. 2 - Si nous avons travaillé pendant un nombre d'années à élever des enfants, dans lesquels nous avions une grande espérance, à cause que dans notre vieillesse ils nous auraient survenus, même dans nos infirmités, ils nous sont enlevés par le tirage au sort pendant que Messieurs du Clergé et de la Noblesse, s'ils ont quelqu'un qui soit sous leur protection et qui, ayant le bonheur de leur plaire et d'être de leurs amis, ils les font entrer chez eux sous le nom de leurs garçons et laquais, et ils ne sont point sujets au même sort parce que, disent-ils, nous les exemptons par nos privilèges et à cause que nous sommes des nobles. Nous demandons aussi que tous les garçons et laquais soient assujettis au tirage, sans exception de personne, avec nous pauvres plaintifs (2).

ART. 3 - S'il arrive des troupes dans nos campagnes, nous sommes obligés de les loger et s'ils sont casernés aux casernes voisines, nous sommes obligés de leur fournir des lits, quoique souvent nous n'en ayons pas même sur quoi nous reposer après avoir travaillé pendant le jour entier à la rigueur du temps, tant à la corvée qu'aux autres travaux pour tâcher de gagner de quoi payer les deniers royaux et seigneuriaux.., pendant que Messieurs de la Noblesse ont tout à souhait dans leurs châteaux et qu'ils ne fournissent rien à la troupe et ne logent aucun soldat.

En conséquence, nous demandons que ces logements de troupes et de fournitures soient cessés et, dans le cas contraire, que Messieurs du Clergé et de la Noblesse y soient comme nous assujettis.

ART. 4 - ...

ART. 5 - Que si nous avons quelque peu de bien roturier que nous possédons, nous sommes obligés d'en payer les fouages, pendant que Messieurs les Nobles en possèdent beaucoup plus que nous, qui est aussi roturier, et qui n'en payent rien, attendu que ces derniers ne sont point assujettis aux fouages. Nous crions qu'ils y soient comme nous assujettis, sans aucune distinction, au prorata des biens qu'un chacun possède.

ART. 6 - Demandent que le clergé paye aussi la capitation.

ART. 7 - Demandent que la noblesse paye aussi la capitation.

ART. 8 - ...

ART. 9 - Que nous ayons des députés aux Etats pour y pouvoir défendre librement nos droits et en nombre égal aux députés réunis du clergé et de la noblesse.

ART. 10 - Qu'il n'y ait plus de pensions aux messieurs et Dames de la Noblesse, ni d'entretien d'éducation pour les gentilshommes, surtout à notre compte ni à notre charge, et que ce soit à leurs propres dépens.

ART, 11...

ART. 12 - Nous demandons la suppression des colombiers, fuies et refuges à pigeons, et qu'ils soient rasés, attendu que l'abondance des pigeons ravagent les campagnes, mangent toute ou du moins la majeure partie des moissons et des semences.

ART. 13 - Nous demandons, enfin, qu'il soit fait défense aux seigneurs possédant fiefs d'acheter ou faire acheter des grains dans le temps de leurs apprécis, à leurs marchés, tant pour faire augmenter le prix de leurs rentes que pour l'exportation des grains de notre province dans les royaumes étrangers.

Et enfin, encore, que notre province de Bretagne soit maintenue dans tous ses anciens droits et privilèges ordinaires, suivant le contrat de mariage de la Duchesse Anne avec Charles VIII.

Telles sont les plaintes et doléances que les habitants de la dite paroisse ont à former aux Etats-Généraux de ce royaume, lesquelles ils ont dressé pour être remis à leurs députés, pour faire valoir tant à l'assemblée qui doit se tenir à Rennes le 7 avril prochain que partout où besoin sera.

Fait et rédigé ce 31 mars 1789.

Suivent les signatures.

Liste des signataires du cahier de doléances: le sieur Pierre Hellen Blanchard de la Bachoix, Georges Madre, Jean Fantou, Jean Guignard, François Gautier, Gilles Bitbois, J. Monnier, Gilles Gautier, Joseph Houitte, Joseph Briand, Guillaume Madre, Jean Jambon, Louis Cuguen, François Hauducoeur, Mathurin Jambon, Damas Desclos, J. Thébault, Jean Huet, Julien Desclos, Morice Leroy, J. Foutel, B. Doganne, René Québriac, Joseph Déron, Chauchix, Joseph Cocheret, Jacques Morel, Gilles Rémond, François Davy, Joseph Couasnon, Jean Prioul, Pierre Rapinel, Antoine Le Bouesne, J. Lecoulle, Julien Lemarié, François Jambon, François Herbin, Georges Delalande, F. Monnier, Jean Gillet, P. Meziére, Jacques Iris, Salmon, Fabre, F. Ruflet, M. Monnier, Olivier Robert, François Cornouaille, Pierre Cholet, Julien Guillard, Jean Loisel, J. Lemée, J. Thébaud, Nicolas Blanchard, François Thébaud, Pierre Monnier, Jacques Rémond, Pierre Couasnon, Pierre Aubin, François Touraine, Gilles Gautier, Claude Guiot (père)), Claude Guiot (fils), Gilles Blanchard, Pierre Fermine, Thomas Abraham, Charles Lemarié, Louis Hervouët, Jo Rocheron, Gilles Blanchard, Jacques Mot, Jean Guignard, Mathurin Loizel, Yves Lebreton, Maurice Duval, Mathurin Barbe, F. Le Ray.

Députés: Claude Guiot (père), Mathurin Louvel.

MÉMOIRE DES DEUX DÉPUTÉS DE SAINT-PIERBE-DE-PLESGUEN

Nous avons vu que Mathurin Louvel n'accepta pas son élection comme député. Néanmoins, nous voyons, par le mémoire que nous allons résumer et qu'il signa, qu'il revint sur sa décision première :

« Au nom de la T.S. et indivisible Trinité; Père, Fils et Saint-Esprit ;

«supplient humblement les députés de la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen, salut et bénédiction à notre bon roi de France et de Navarre, que nous reconnaissons pour notre supérieur et le maître de nos corps et de nos biens, qui dès le commencement du monde a été demandé par nos prédécesseurs. Nous prions sa Majesté de vouloir bien écouter nos plaintes sur les faits constatés ci-dessous :

ARTICLE PREMIER - Sur l'exportation des grains.

«De toutes les choses nécessaires à la vie, il n'en est pas de plus utile que les grains, puisque c'est la base et le fondement de la nourriture de l'homme... »

Ils se plaignent alors que les grains sont enlevés des lieux de production, que ceci est imputable aux riches et surtout aux seigneurs, ce qui fait augmenter les prix et, par suite, leurs revenus. Ces enlèvements sont connus. Ainsi, à Saint-Servan un particulier a fait embarquer, l'an dernier, 1800 boisseaux de blé pour l'étranger. Et cela continue, « ce qui a occasionné et occasionne l'augmentation des apprécis et la ruine du peuple, au point de mettre un grand nombre de familles à la mendicité et à la plus affreuse indigence ».

ART. 2 - A l'égard de la construction et l'entretien des grands chemins.

Ils protestent contre la corvée des chemins. Une grande injustice a été faite dans notre paroisse : on a coupé les pièces de terre, de travers et de moitié, sans aucun dédommagement et sans aucune diminution des rentes royales et seigneuriales à payer. On se plaint en vain. Ils adhèrent à la représentation qui a été adressée par les syndics et la communauté de la ville de Dinan.

Ils terminent en ajoutant: «Nous payons pour capitation 1200 livres, et pour vingtièmes 1504 livres 16 sols, pour les louages 400 livres, ce qui fait en tout la somme de 3104 livres 16 sols ».

ART. 3 - « Les seigneurs lèvent dans la sus-dite paroisse, pour les rentes et droits seigneuriaux, par chaque année, la somme de 6050 livres, sans y comprendre les lads et ventes et rachats qu'ils prennent toujours au denier six (c'est un intérêt égal au sixième du capital), exaction que nous prions votre clémence d'adoucir, de réduire et d'abolir... »

DEUX FAITS DE L'ANNÉE 1789 D'UNE IMMENSE IMPORTANCE

La Bastille, prison d'Etat, symbole de l'Ancien Régime et de son oppression, est prise par le peuple de Paris le 14 juillet. La Révolution semble triompher.

Dans les campagnes, ce fut la «grande peur». Le peuple constitua des Gardes nationales ; il se jeta sur les châteaux et tenta de détruire les archives seigneuriales, etc...

Le désordre était général. Dans la nuit du 4 août, l'Assemblée Constituante vota l'abolition des privilèges de la noblesse, dans un délire d'enthousiasme. Les nobles, eux-mêmes, furent les premiers à proposer cette abolition. Il y avait donc accord.

L'ancienne société était alors abolie. Une nouvelle société devait être construite. Malheureusement, elle ne sera pas édifiée paisiblement.

II. - Nouvelles divisions administratives

Les décrets de l'Assemblée Nationale des 15 janvier, 16 et 26 février 1790 ordonnent la division de la France en quatre-vingt- trois départements. Les anciennes provinces n'ont plus d'existence.

Les directives de cette division sont données par l'ordonnance royale du 4 mars 1790: «Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français... ».

Chaque département est divisé en districts, lesquels sont, à leur tour, divisés en cantons et les cantons en communes.

Le district de Saint-Malo comprend les cantons de Saint-Malo, Saint-Briac, Cancale, Châteauneuf, Miniac-Morvan, Tinténiac et Saint-Pierre-de-Plesguen.

Le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen comprend les communes de Saint-Pierre-de-Plesguen, Lanhélin, Meillac et Pleugueneuc. On avait mis, par erreur, Plesder dans le canton de Miniac-Morvan ; il sera rattaché à celui de Saint-Pierre-de-Plesguen le 26 février 1791.

ELECTION DES MEMBRES DES MUNICIPALITÉS

A la suite des décisions de l'Assemblée Nationale, le roi ordonna, le 6 janvier 1790, que les villes et les paroisses du royaume devaient élire leurs municipalités.

Pour cette élection, les citoyens furent divisés en actifs et en passifs. Etaient considérés comme actifs, les citoyens âgés de vingt-cinq ans accomplis et payant au moins annuellement une contribution évaluée à trois journées de travail. Ils pouvaient voter, alors que les citoyens passifs, moins riches, ne le pouvaient pas. On est surpris de constater que, dès l'origine de la Révolution, l'égalité entre les citoyens n'était pas admise.

L'élection de la municipalité de Saint-Pierre-de-Plesguen eut lieu les 15 et 16 janvier 1790. Les citoyens actifs, au nombre de deux cent seize, se réunirent dans l'église paroissiale. Ils élirent :

Maire: Missire Jacques-Jean Michel, prêtre de la paroisse. Missire Jacques Leroy, recteur, fut élu secrétaire-greffier.

Les officiers municipaux furent ensuite élus: Georges Madre, Louis Hervouet, François Tourenne, Joseph Rocheron, Mathurin Jambon.

Le procureur syndic de la commune fut Charles Duval. Il n'avait pas voix délibérative, mais il était chargé de veiller à l'exécution des lois, de défendre les intérêts de la commune et des citoyens ; sa fonction était très importante.

M. Michel, maire, était âgé ; il démissionnera le 9 novembre 1790. Les citoyens, réunis à nouveau dans l'église, élirent son successeur : M. Pierre-Alain Blanchard de la Bachoix.

GARDE NATIONALE DE LA COMMUNE

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ASSEMBLÉE PRIMAIRE DU CANTON DE SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN

Le 17 mai 1790 eut lieu, à Saint-Pierre-de-Plesguen, une assemblée tenue en vertu de l'ordonnance du 27 avril 1790. Il s'agissait de choisir les représentants du canton qui devaient élire, à Rennes, les membres de l'Assemblée départementale et de ses districts. Voici un extrait du compte rendu :

Les citoyens éligibles des municipalités de Saint-Pierre-de-Plesguen, Lanhélin, Meillac et Pleugueneuc, formant l'Assemblée primaire convoquée à Saint-Pierre-de-Plesguen pour la nomination des électeurs qui doivent choisir les membres de l'Administration du département d'Ille-et-Vilaine et de ses districts, étant réunis ce jour, 17 mai 1790, aux huit heures du matin, M. René Mallard, doyen d'âge, a présidé l'Assemblée et MM. Michel, prêtre, Pierre Pellé et Jean Duqueine ont été priés de recueillir et dépouiller le scrutin pour la nomination à faire, d'un président et d'un secrétaire par scrutin individuel.

Ce scrutin fait et dépouillé, M. Louis Bossard a été nommé président et M. Joseph-Anne Duval secrétaire de l'Assemblée, l'un et l'autre à la majorité absolue des suffrages.

A l'endroit, Messieurs le Président et le Secrétaire ont prêté serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume.

Tous les membres de l'Assemblée ont fait le même serment entre les mains de Monsieur le Président.

On a ensuite procédé à la nomination de trois secrétaires scrutateurs, et ont été nommés par un seul scrutin de liste simple : MM. Charles-Pierre-Gabriel Duval, Julien Letourneux et Robert Rémond, lesquels ont prêté serment de bien remplir leurs fonctions et de garder le secret.

Un représentant de chaque municipalité a produit la liste des citoyens éligibles de sa municipalité.

Il a été dit par Monsieur le Président que le nombre des citoyens actifs de l'Assemblée, présents et absents, monte à 899, qu'ainsi l'Assemblée doit nommer neuf électeurs.

En conséquence, il a été procédé au scrutin par liste double, lequel dépouillé : MM. Blanchard de la Bachoix, marchand ; Maurice Yri, laboureur ; Nicolas Blanchard, charpentier ; François Desnoës, laboureur; demeurant, savoir : les trois premiers de la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen et le dernier de la paroisse de Lanhélin. Jean Rozé, menuisier ; Jean Collet, laboureur; Bertrand Rahier, vivant de ses revenus ; les trois demeurant séparément en la paroisse de Meillac. Jean Tellier, laboureur, et Robert Rémond, laboureur, les deux demeurant séparément en la paroisse de Pleugueneuc.

Se sont trouvés réunir la majorité des voix et ont été nommés électeurs. Un double du présent et un double de la liste des citoyens éligibles ont été signés et remis à M. Robert Rémond, doyen d'âge, et ceux-ci ont été chargés de se trouver à l'Assemblée fixée à Rennes le 1er juin 1790, à huit heures du matin.

Fait et arrêté en l'Assemblée primaire tenue à Saint-Pierre-de-Plesguen le 17 mai 1790.

Suivent les signatures, entre autres :

Bossard, président.

J.-J. MICHEL, prêtre, maire de Saint-Pierre-de-Plesguen. RIDÉ, maire de Pleugueneuc.

Voici la liste nominative des éligibles de Saint-Pierre-de-Plesguen (le chiffre qui précède le nom indique le nombre de personnes éligibles portant le même nom) :

1 Adam - 1 Aubin - 1 Duval - 3 Michel - 1 Touraine - 4 Jambon - 1 Rocheron - 8 Madre - 1 Hervouet - 3 Leroy - 2 Grignard - 2 Monnier - 1 Chenu - 3 Desclos - 1 Hautducoeur - 2 Couanon - 1 Marie - 1 Georges de la Lande - 3 minet - 1Touaux - 3 Guyot - 1 Lebreton - 6 Blanchard - 1 Salmon - 1 Thibaud - 3 Fermine - 1 Hautière - 3 Cuguen - 2 Lemur - 3 Corvaisier - 2 Loisel - 1 Flaux - 2 Fantoux - 1 Dogane - 1 Moraud - 1 Hamon - 1 Poilevert - 3 Texier - 2 Huet - 1 Yvon - 5 Yry - 1 Lemarié - 1 Lefour - 2 Gautier - 1 Daniel - 1 Citré - 2 Gillet - 1 Lemonnier - 3 Mauclerc - 1 Hervault - 1 Burel - 1 Robin - 2 Davy - 1 Marec - 1 Beaupied - 4 Piedevache - 1 Ménard - 1 Denieul - 3 Junguené - 1 Morel - 1 Daumer - 1 Heuzé - 3 Louvel - 1 Morault - 1 Rouault - 2 Bouvet -1 Desclos - 1Lemarchand - 1 Gouin - 2 Pinsart - 2 Briand - 1 Abraham - 1 Dufée ont Dufet - 1 Josse - 1 Pépin - 1 Garel - 1 Allot - 1 Mazurier - 1 Cet - 2 Déron - 1 Barbe - 1 Potier - 1 Lemée - 1 Foutel - 1 Bazil - 1 Simonet - 2 Rapinel - 1 Québriac - 1 Chauchix - 1 Even - 1 Legendre - 1 Prioul - 1 Chevalier - 1 Cocheret - 1 Houitte - 1 Poirier.

III. - Politique religieuse de l'Assemblée Nationale

Dans la nuit du 4 août 1789, le clergé vit supprimer la dîme, impôt payé par les paysans ; elle constituait une ressource importante pour le clergé qui avait à assumer un certain nombre de missions.

D'autre part, le manque toujours criant de ressources incita l'Assemblée à confisquer tous les biens du clergé et à les vendre au profit de l'Etat.

Le décret du 2 novembre 1789 précise, en effet, que : « Tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres sous la surveillance et d'après les instructions des provinces». Le clergé devenait ainsi, au moins au point de vue matériel, un fonctionnaire de l'Etat. Mais il fallait pouvoir vendre les dits biens. Pour faciliter les transactions, l'Etat créa un papier monnaie : les assignats, dont la valeur devait être garantie par celle de tous ces biens; mais leur valeur se déprécia vite et beaucoup.

Le 12 juillet 1790, l'Assemblée Constituante vota la Constitution civile du clergé, source de bien des difficultés, de vives résistances et qui engendrera un véritable drame dont le pays aura beaucoup à souffrir.

Le nombre d'évêques est réduit à quatre-vingt-trois, un par département. Les évêques et les curés sont élus; ces derniers choisissent leurs vicaires. Les ministres de la religion reçoivent un traitement, etc...

Comme les évêques se dérobaient à l'application de la loi, tous les ecclésiastiques en charge furent obligés de prêter le serment prévu par la Constitution civile. Celui qui refusait était réputé avoir renoncé à sa fonction ; il était considéré comme démissionnaire et remplacé.

Le pape n'accepta pas la Constitution civile du clergé, la déclarant schismatique.

Un certain nombre d'ecclésiastiques prêtèrent le serment ; d'autres, la majorité, refusèrent. Au mois de janvier 1791, M. Leroy, recteur, et M. Cuguen, vicaire, consignèrent comme il suit, sur le registre des délibérations municipales, leur refus de prêter le serment :

« Le dimanche 30 janvier 1791. Nous soussignés Jacques Leroy, prêtre et recteur, et François-Louis Cuguen, prêtre et curé de la paroisse de Plesguen, malgré notre profond respect pour l'Assemblée Nationale, sur ce que, de sa part, on nous demande, conformément aux articles 21 et 28 du titre II de la Constitution du clergé, le serment simplement et sans aucune restriction, confirmatif de cette nouvelle Constitution ; nous déclarons que nos consciences ne nous permettent pas de le faire sans restriction.

«Nous aimerons toujours notre Roy, nous serons toujours fidèles à notre Nation et à la loi en ce qui est de l'ordre politique et civil, exceptant formellement tous les objets de foi, de morale et de discipline, et tous ceux qui dépendent essentiellement de l'autorité spirituelle. » Signé: LEROY, recteur de Saint-Pierre-de-Plesguen. F.-L. CUGUEN, prêtre et curé de Plesguen.

M. Michel, prêtre de la paroisse, élu maire en 1790, suivit l'exemple de ses deux confrères, ainsi que le constate sa déclaration du même jour, à la suite de la précédente :

« Je soussigné Jacques-Jean Michel, prêtre de Plesguen, adhère à la déclaration ci-dessus, les jour et an que dessus ».

Signé : J.-J. MICHEL, prêtre extra maire.

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Ce refus mettait les prêtres de la paroisse «hors la loi ». Néanmoins, ils continuèrent à assumer leurs fonctions sacerdotales auprès de leurs paroissiens et à tenir les registres de l'état civil. Leur dernière signature sur ces registres est, pour Cuguen, le 8 août 1792; pour Michel, ancien maire, le 20 février, et pour Leroy, recteur, le 15 août 1792.

Le II avril 1792, un arrêté du Directoire du département prescrivit aux prêtres insermentés de se rendre à Rennes, où ils devaient être internés à l'abbaye Saint-Melaine- Et le 14 juin suivant, un nouvel arrêté enjoignit aux prêtres insermentés, encore dans leurs paroisses, de continuer à y résider, mais à ne pas s'en écarter de plus de trois lieues.

Une lettre en date du 5 mai 1792, de la municipalité de Saint-Pierre-de-Plesguen, adressée probablement au district, indique :

«Nous avons actuellement dans notre paroisse deux ecclésiastiques : Julien Avril, ci-devant curé de Miniac, 58 ans, qui a dû vous prouver sa grande infirmité et maladie ; Tourenne, ci-devant recteur de Baguer-Morvan, qui a déclaré vouloir partir mercredi prochain pour Rennes, afin de se présenter au département, âgé de 53 ans ». Signé : BLANCHARD, maire ; DELALANDE Georges, officier municipal. (Archives I,-et-V., L 1391.)

On est surpris de ne pas voir figurer dans cette lettre le nom du recteur Leroy, de Saint-Pierre-de-Plesguen, ni celui de son vicaire Cuguen, puisqu'ils étaient encore dans la paroisse.

Quant au vicaire Michel, assez âgé, il a dû rester à Saint-Pierre-de-Plesguen, dans sa maison de l'Hôtel-Neuf.

Ce dernier se rétractera, le 3 février 1793, dans les termes ci-après : «Le dimanche 3 février 1793, l'an II de la République française, en la commune de cette paroisse, le citoyen J.-J. Michel, prêtre de cette paroisse, lequel a prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité conformément à la loi du 15 août dernier et a signé ». (Archives municipales, M. Garnier.) D'autre part, ce prêtre reçut un passeport du bureau municipal de Saint-Pierre-de-Plesguen, le 20 juin 1793, pour se rendre à Rennes, à la maison de la Réclusion. Ce passeport précise qu'il est âgé de 73 ans et a été le premier maire de la commune.

Dans une note brouillon non signée, datée du 28 juin et jointe au passeport, il est écrit : « Considérant qu'il a juré, la main levée, de maintenir la liberté et l'égalité, duquel serment il lui a été donné acte ».

L'assemblée a, au surplus, arrêté qu'une expédition du présent lui sera remise pour lui servir de passeport à l'effet de se rendre directement dans la paroisse de Plesguen. (Archives I.-et-V., L 441.)

LE CURÉ CONSTITUTIONNEL

Ce n'est qu'en août 1792 que Gilles Norgeot, du diocèse d'Avranches, 31 ans, fut nommé curé de Plesguen. Le dimanche 1er octobre 1792, an I de la Liberté, dans l'église paroissiale, à l'issue de la grand'messe, Gilles Norgeot prêta solennellement, en présence des officiers municipaux, le serment exigé par la Constitution, jurant d'être fidèle à la Nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la défendant. (Archives municipales, Garnier.)

Il se rétracta en 1814 et mourut à Saint-Pierre-de-Plesguen le 17 mars 1832.

QUE SONT DEVENUS LES PRÊTRES DE LA PAROISSE ?

La période que nous traversons est fort troublée à l'intérieur du territoire ; la guerre est à nos frontières; la situation générale s'aggrave ; la Patrie est déclarée en danger. La royauté, accusée de complicité avec l'ennemi, est renversée par le peuple le 10 août 1792. Au début de septembre, des massacres ont lieu dans les prisons de Paris. L'armée, sous l'impulsion de nouveaux chefs, reprend confiance et gagne la bataille de Valmy qui sauve la Révolution (20 septembre 1792). Les prêtres réfractaires sont aussi accusés de fomenter la guerre civile ; certains cherchent alors à protéger leur vie et s'expatrient.

Le recteur Leroy passe en Angleterre à la fin d'août 1792, où il restera jusqu'au Concordat de Napoléon en 1801. Il ne rentrera dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen qu'en 1803. Le vicaire Michel est toujours à Saint-Pierre-de-Plesguen, mais il fut obligé de se rendre à Rennes en juin 1793, où on le retint. Il fut ensuite interné au Mont Saint-Michel. Et là il aurait confessé l'évêque Lecoz qui, à son tour, y fut interné.

Quant au vicaire Cuguen, interné à Rennes, il prendra, le 8 septembre 1792, la route de Saint-Malo avec un groupe de cent quatre vingt douze ecclésiastiques.

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QUELQUES FAITS RELATIFS A L'EGLISE

1. Suppression des titres, armoiries, etc..., de la noblesse

Les titres de noblesse, les armoiries, les livrées, les ordres de chevalerie furent abolis le 20 juin 1790 et, nous dit Mignet dans son Histoire de la Révolution française, « la vanité perdit ses privilèges comme le pouvoir avait perdu les siens».

Dans les campagnes, cette décision une fois connue incita les municipalités à supprimer les marques visibles de la noblesse. A Saint-Pierre-de-Plesguen, des ouvriers furent engagés pour marteler les armoiries et écussons décorant l'église. Le 23 septembre 1790, les officiers municipaux vont vérifier le travail commandé et « s'étant rendus à l'église, ont constaté que les armoiries du banc du cy devant seigneur ont été enlevées, ainsi que celles de la façade de l'église ; mais ayant remarqué qu'un écusson du lieu et terres du Rouvre existait encore sur le mur, côté Nord, entre la fenêtre et la chapelle de la Vierge, ils ont donné ordre à un nommé Jean Lebreton, dit « la Jeunesse », piqueur de pierre, d'enlever dans le jour même cet écusson et d'aplanir et repolir le lieu où il existait ». (Registre municipal, Garnier.)

2. Inventaire des objets du culte

Un inventaire des objets du culte existants dans l'église fut fait en 1792 et, le 26 novembre de la dite année, la municipalité envoyait à Saint-Malo « une croix plaquée en argent avec son « moulle », pesant en tout sept livres, et un encensoir d'argent avec sa navette, pesant deux livres et demie moins un quart d'once ». Elle demandait en retour, pour satisfaire les besoins du culte, une croix et un encensoir en cuivre (Garnier).

Nous verrons, un peu plus loin, que l'église ayant été utilisée comme corps de garde et mise à la disposition de la troupe, tous les objets du culte furent envoyés au district de Saint-Malo.

IV. . Les mesures de salut public - La Terreur

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VISITE DOMICILIAIRE CONCERNANT LES GRAINS

Le 1er mai 1793, une visite eut lieu dans toute la commune pour dénombrer les quantités de grains entassés dans les greniers des récoltants suspects. Elle s'effectua le même jour. Le Conseil Municipal décida, dans le plus grand secret, de nommer deux citoyens pour chacune des six sections de la commune. Ces citoyens furent: Henry, officier municipal, et René Michel, notable, pour la section du bourg ; Georges Madre, procureur, et Doganne, notable, pour la section de la Renardière ; Maurice Yris, officier municipal, et Joseph Thébault, greffier, pour la section du Rouvre ; Maurice Quinet, officier municipal, et Pierre Legendre, notable, pour la section de la Ville-Gicquel ; Jean Jambon, officier municipal, et Pierre Bazil, notable, pour la section de la Ricolais ; Pierre Couasnon, officier municipal, et Pierre Gilet, notable, pour la section du Chêne.

Cette visite ne donna pas un grand résultat (Garnier).

RÉQUISITIONS DIVERSES

Le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen eut à satisfaire à de nombreuses réquisitions, ce qui donna lieu à des mécontentements dans la population, provenant surtout par le paiement tardif des produits livrés.

Un prix maximum fut fixé pour les produits de première nécessité.

FÊTES RÉPUBLICAINES DE 1793

Nous avons connaissance des deux fêtes ci-après :

1. Fête de la plantation de l'arbre de la Liberté

Le 14 février 1793 eut lieu la cérémonie de la plantation d'un arbre de la Liberté sur la place de la Mardrelle. A cette occasion, il fut décidé que cette place porterait désormais le nom de « place d'armes et de la Liberté ».

Un détachement de la Garde nationale escortait le Conseil Municipal ayant à sa tête le citoyen Hubert, commissaire envoyé par les administrateurs du district de Saint-Malo pour procéder à la vente des biens meubles du château du Rouvre. Tous étaient revêtus de leurs marques distinctives. Arrivés au lieu de la plantation de l'arbre, il a été élevé aux cris de « Vive la République », cris répétés de la part des citoyens qui ont ensuite chanté l'hymne des Marseillais au son de la musique et des tambours. (Registre des délibérations de 1793 - Garnier.)

2. Fête de l'acceptation de l'acte constitutionnel de la République

Elle eut lieu le mercredi 22 juillet 1793.

Vers les 9 heures du matin, le corps municipal, accompagné du commandant de la Garde nationale, se rendit à l'église où le citoyen curé (constitutionnel) célébra une messe votive du Saint-Esprit à laquelle assistèrent beaucoup de personnes. Cette messe finie, il avait été arrêté que l'acte constitutionnel serait lu au peuple, au pied de l'arbre de la Liberté. Mais une pluie abondante étant survenue, l'acte a été lu au peuple dans l'église, à haute et intelligible voix, le recteur étant dans la chaire. (Registre des délibérations de 1793 - Garnier.)

Une copie de l'acte constitutionnel fut affichée à la principale porte de l'église et une autre au jambage de la porte du cimetière.

Rentrés ensuite dans le temple, le « Te Deum » fut chanté par le curé et les assistants.

CALENDRIER RÉPUBLICAIN

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LAICISATION DE L'ETAT CIVIL

Après le départ du recteur Leroy, fin août 1792, les registres de l'état civil sont tenus par Gilles Norgeot, curé constitutionnel. Mais du fait de la laïcisation de cet état civil le 20 septembre 1792, il ne put continuer, à titre de curé, de rédiger ces actes. Il continuera cependant à le faire, mais comme « officier public de la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen, élu le 30 décembre 1792 à cet effet ».

A partir du 12 ventose an 11 (1794), il est remplacé par François Georges, officier public, qui fut élu à son tour pour exercer cette fonction. Celui-ci était maître de poste à Saint-Pierre- de-Plesguen, originaire de Dol et marié à Marguerite Tullière. il décédera à Saint-Pierre-de-Plesguen le 29 fructidor an VIII (1800).

Le 17 pluviose an V (1797), M. Henry, agent municipal, remplace M. François Georges. M. Henry est également maître de poste à Saint-Pierre-de-Plesguen.

Ensuite, les agents municipaux, puis les maires, exerceront successivement cette fonction.

Pendant cette période antireligieuse, notre commune s'appelle « Pierre-de-Plesguen » ; elle est chef-lieu de canton et fait partie du district de «Port-Malo » (Saint-Malo), département d'llle-et-Vilaine. On remarquera que, du fait de la lutte antireligieuse, les noms de saints sont bannis des noms de lieu. Ainsi Saint-Servan deviendra «Solidor».

L'année 1793 verra une accentuation de la lutte antireligieuse, allant jusqu'à la persécution. On voulut « déprêtiser » la France. Et les dispositions nouvelles s'appliquaient, non seulement aux prêtres réfractaires, déjà pour la plupart en prison, mais aussi aux prêtres qui avaient prononcé le serment. On favorisait le mariage des prêtres par l'exemption de la déportation ou par la promesse d'un secours annuel en argent. On exigea bientôt le dépôt de leurs lettres de prêtrise. Beaucoup d'entre eux abdiquèrent leurs fonctions sacerdotales. Enfin on ferma les églises, etc...

L'évêque constitutionnel de Rennes, Lecoz, est arrêté et transféré à la prison du Mont Saint-Michel, le 13 octobre 1793.

L'EGLISE DE PLESGUEN EST FERMÉE AU CULTE

En mars 1794 (an II), le Directoire de Dol engagea les citoyens à faire disparaître les « vestiges de la superstition » : croix, bannières, statues des cy-devants saints. La vue de pareils objets ne faisant que « choquer l'oeil ». La plupart des croix furent renversées et brisées, les statues en bois brûlées. Les vitraux, les boiseries, les autels disparurent. L'église fut abandonnée. Le curé constitutionnel déposa ses lettres de prêtrise.

Aucune manifestation religieuse ne s'y fit plus.

L'église deviendra un corps de garde, un lieu de dépôt pour les grains, foins, pailles, etc... ; un logement pour les troupes de passage (M. Garnier).

Le site de l'église, avec son cimetière surélevé entouré de murs, devint une sorte de place fortifiée, particulièrement apte à s'opposer aux bandes vendéennes ou chouans.

CHUTE DE ROBESPIERRE

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V . Faits divers concernant les ans II, III et IV (septembre 1793 à septembre 1796)

BIENS DES ÉMIGRÉS

Ces biens sont devenus « biens nationaux ». il faut donc s'en occuper, les entretenir, ramasser les fruits de toutes sortes, etc... Au cours de l'an II, le maire de Saint-Pierre-de-Plesguen adressa les trois lettres ci-après au district de Port-Malo (Saint-Malo).

29 ventose - « Les dégradations concernant les biens des émigrés et déportés ont été poursuivies par la «gent nationale » de notre commune et jugées par le juge de paix de notre canton. Il n'y a eu que le sieur Dubourblanc qui a laissé des biens meubles dont la vente a été poursuivie et faite par l'ancienne administration du district... Trois prêtres de notre paroisse étaient déportés, qui ont laissé quelques meubles.

«1° Jacques Leroy, ci-devant recteur, a laissé pour 793 livres environ. 2° Le sieur François Cuguen, ci-devant curé ou vicaire, en a laissé chez les mineurs, dont il était tuteur, seulement pour 40 livres. Nous croyons qu'il en a laissé davantage. 3° Le sieur François, curé lors de son départ de la paroisse de Saint-Hélen, devait avoir quelques meubles qu'il a vendus à ses frères et soeurs. A l'égard de leurs biens fonds, ils en possédaient tous les trois un peu, dont nous vous avons donné les renseignements. »

Signé: DUVAL, maire; Pierre COUANON, officier municipal; QUINET, JAMBON, officiers municipaux; MADRE, agent national.

9 floréal - « il y a des atelles sur les métairies de la Bordière et la Guermonais, appartenant au ci-devant Grand-Rivière émigré. Nous allons nous occuper de les faire transporter à Port-Malo. »

Signé : DUVAL, maire.

24 Messidor - La lettre indique que l'administration des domaines nationaux de Châteauneuf a vendu au sieur Aubin, du bourg de Saint-Pierre-de-Plesguen, l'herbe à faire foin des prairies et jardin du Rouvre. Or, cette vente est paraît-il illégale. C'est à la municipalité de faire faucher, faner et ramasser le foin. Celui-ci étant ensuite vendu au profit de la République. On demande des instructions au plus tôt.

Signé : DUVAL, maire, et QUINET.

ENSEIGNEMENT

Le décret du 27 brumaire an III indique que les presbytères non vendus seront à la disposition des instituteurs et de leurs élèves. C'est le cas dans la commune. L'enseignement est donné aux enfants d'au moins six ans. On leur apprendra :

1° à lire et écrire, et les exemples de lecture rappelleront leurs droits et leurs devoirs ;

2° la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et la Constitution de la République française ;

3° on donnera des instructions élémentaires sur la morale républicaine ;

4° les éléments de la langue française, soit parlée, soit écrite ;

5° les règles du calcul simple et de l'arpentage ;

6° les éléments de la géographie et de l'histoire des peuples libres ;

7° des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature. On fera apprendre le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe.

TROUPES CANTONNÉES DANS LA COMMUNE au 4 prairial an III

Dans le district de Port-Malo, les troupes stationnées s'élevaient en tout à 2200 hommes, dont 1470 fantassins, 54 cavaliers et 675 artilleurs. A Saint-Pierre-de-Plesguen, il y avait un poste de huit hommes appartenant au 6 ème escadron du 14 ème Régiment de Chasseurs ; à Tinténiac, il y avait en tout 96 hommes.

LOGEMENT POUR LA MUNICIPALITÉ CANTONALE

En l'an IV, le 22 frimaire (novembre-décembre 1795), la municipalité cantonale, issue de la Constitution de l'an III, a besoin d'un logement pour permettre à ses membres de se réunir et de travailler.

On loue une chambre dans une maison occupée par M. Chevalier- Ricolais. Cette maison est disparue. Elle existait au centre du bourg, en rive ouest de la grande route. Le loyer annuel fut fixé à 60 livres métalliques (on n'acceptait pas les assignats en papier).

NOMINATION D'INSTITUTEURS

En exécution de la loi du 3 brumaire an IV, sont nommés instituteurs dans le canton :

- à Saint-Pierre-de-Plesguen : Norgeot (ex-curé constitutionnel), à la date du 14 nivose an V, il n'aura pas d'indemnité de logement ;

- à Pleugueneuc : Chesnel, à la date du 13 nivose an V ; il n'aura pas d'indemnité de logement.

RENTREE DES CONTRIBUTIONS

On apprend, le 25 germinal, que les contributions de l'an II sont depuis longtemps soldées; celles de l'an III sont acquittées pour moitié en grains, l'autre moitié est payable en valeur nominale.

AFFAIRE DU PERCEPTEUR CHAUCHIX

Le 1er floréal an IV, M. Bossard, commissaire du pouvoir exécutif prés l'administration de Plesguen, adresse à M. Chauchix, juge de paix à Plesguen, faisant la recette de la contribution foncière de la dite commune pour l'an III, la lettre suivante :

« Citoyen, un grand nombre d'habitants de Plesguen vinrent hier à l'administration se plaindre, avec raison, de la manière dont vous faites payer la moitié de la contribution foncière pour l'an III, payable en valeur nominale.

«J'ai la preuve que vous recevez : moitié en assignats et moitié en numéraire. Cette marche vous procurerait au moins 1200 livres en numéraire pour une somme d'assignats représentant à peu prés 18 livres dont vous avez fait l'avance. Il n'est pas possible, citoyen, que le peuple soit pressuré de cette manière. Vous avez mis de côté les principes de justice et d'honneur... et c'est bien peu répondre à la confiance que vous ont témoignée vos concitoyens à la dernière assemblée primaire... ***

LETTRE DE L'ADMINISTRATION

DU CANTON DE PLESGUEN

AU MINISTRE DE L'INTERIEUR A PARIS

Cette lettre, intéressante, répond à des accusations. Elle nous montre les difficultés, de diverses natures, rencontrées dans l'administration du canton. Nous la reproduisons en entier, malgré la longueur.

« Saint-Pierre-de-Plesguen, 20 fructidor, an 4° de la REPUBLIQUE, une et indivisible. « Les membres composant l'administration municipale du canton de Saint-Pierre-de-Plesguen et commissaire du pouvoir exécutif près cette administration, au citoyen Ministre de l'Intérieur à Paris.

Citoyen Ministre,

«Le département d'Ille-et-Vilaine nous a transmis copie de votre lettre du 26 thermidor, relativement à la dénonciation faite par plusieurs habitants de ce canton contre leurs différentes administrations municipales. Pour répondre avec précision et clarté, nous allons suivre la série des divers reproches que l'on nous fait et à nos prédécesseurs.

«1° Les dilapidations ont été commises sur le mobilier de l'église.

« Les églises des communes du canton ont éprouvé le sort de toutes les églises de la République ; leur argenterie et leurs ornements ont été transférés au cy-devant district de Port-Malo qui, après les avoir demandés par plusieurs lettres impératives, en a donné des reçus conformes aux inventaires faits par les municipalités.

« Si c'est là une des dilapidations commises, les anciennes municipalités en sont toutes coupables. Il est bon de vous instruire, citoyen Ministre, des motifs qui dirigent nos dénonciateurs ; les corps administratifs n'en prouveront que mieux leur exactitude à faire exécuter les lois et les intentions du gouvernement.

« Un nommé Claude Guyot, de cette commune, est le principal meneur de la dénonciation. Il ne serait pas surprenant qu'il se trouvât quelques autres signataires, car nous avons appris qu'il avait colporté cet acte, tissu de mensonges, pendant quinze jours, pour mendier des signatures et qu'il avait même employé des menaces pour les obtenir. Cet homme, sans moeurs, privé de la confiance et couvert du mépris de ses concitoyens, qui dès 1792 fut déchu, par arrêté du département, de la qualité de citoyen actif pour avoir émis des opinions contraires à la Révolution, a conservé contre les autorités constituées une haine implacable. Fausses dénonciations, sarcasmes contre les corps administratifs, invitations secrètes à l'insurrection, tels sont les moyens qu'il n'a cessé d'employer pour exciter la fermentation parmi nos concitoyens. Son grand champ de bataille est de fixer l'attention de ceux qui veulent l'écouter sur l'état où se trouve actuellement l'église de Plesguen.

« Ce moyen est sans doute bien perfide dans un temps où le peuple se rappelle encore ses anciennes habitudes. Le reproche secret qu'il fait à la municipalité est d'avoir envoyé au district de Port-Malo, conformément aux intentions du gouvernement, tous les effets mobiliers de l'église. Elle devait, selon lui, les soustraire et les conserver pour François Guyot (3), son fils, cy-devant prêtre constitutionnel, privé, comme son père, de la confiance publique et auquel on ne peut accorder d'autre mérite que d'avoir abjuré ses premiers principes de religion et prêté un serment à la faveur duquel il intrigue et fanatise encore l'homme des campagnes toujours faible et crédule.

« 2° Les administrations qui se succèdent sont toujours composées des mêmes personnages, jaloux de se maintenir en place pour ne pas rendre de comptes, pour protéger les émigrés et les prêtres réfractaires qui, les uns et les autres, circulent librement et emportent quand il leur plaît les effets les plus précieux.

« Sur ce point, comme sur les autres, nos dénonciateurs en imposent trop grossièrement. La vindicte publique à laquelle on voudrait nous livrer doit nécessairement retomber sur eux.

« De tous les membres qui composent aujourd'hui l'administration municipale, aucun, à l'exception de l'agent municipal de Saint-Pierre-de-Plesguen, ne faisait partie des cy-devant municipalités ; quand la vérité est altérée à un tel point, nous pourrions nous arrêter là et nous dispenser de faire la fausseté des accusations subséquentes, mais on parle d'émigrés et de prêtres réfractaires qui circulent librement dans ce canton, nous devons détruire cette accusation et l'impression qui a pu en résulter.

«Le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen a donné des preuves du plus grand attachement à la République. Les lois y ont été exécutées et aucun mouvement séditieux n'y a éclaté de la part des habitants. Des malheurs particuliers y sont arrivés, par des chouans étrangers qui vouaient une haine implacable à des habitants qui détestaient le genre de tyrannie qu'ils voulaient établir. Voilà, citoyen Ministre, le canton où l'on vous représente les émigrés et les prêtres réfractaires promenant librement leur insolence et jouissant de leurs propriétés. Nous pouvons vous assurer que ni les uns ni les autres n'y ont reparu depuis leur départ et que le génie des habitants leur est absolument contraire. Vous pouvez déjà apprécier la dénonciation dirigée contre nous, mais il y a d'autres faits que nous voulons encore éclaircir.

***

«Tout récemment encore, notre canton vient d'être requis de conduire au port du Baschamp, distance de trois à quatre lieues, plus de cinquante mille pieds cubes de bois de marine ; ce sont les ordres du gouvernement ; on promet paiement comme pour les autres réquisitions; nous imputera-t-on le défaut de paiement, s'il ne s'effectue pas ? Ou ne commanderons-nous des harnais qu'autant qu'ils seront payés? Nous vous prions, citoyen Ministre, de nous tracer une marche certaine à cet égard et qui puisse ne pas nous exposer aux déclarations de la malveillance.

« Il faut convenir que les meneurs principaux de la dénonciation ont pu trouver avec beaucoup de facilité des signataires, elle était présentée sous une couleur séduisante ; il s'agissait de prêtres et de réquisitions. Nous ne devons pas vous dissimuler que ces réquisitions ont aliéné le coeur d'un grand nombre de nos administrés à qui, la plupart, il ne reste plus que des yeux pour pleurer.

« Dans cette situation malheureuse, le corps administratif le plus rapproché du peuple est le seul chargé de son animadversion et exposé, dans le mérite, à en éprouver les suites. Nous éprouvons bien sincèrement le désir de rentrer dans la vie privée. Si tous les moyens que nous avons de prouver notre exactitude à faire exécuter les lois et les ordres qui nous sont officiellement transmis ne vous persuadaient pas, rendez-nous, citoyen Ministre, à la liberté et à nos familles ; confiez nos fonctions à des mains plus habiles, nous ne les regretterons nullement.

« 4° La troupe a été mise dans le temple ; plusieurs effets ont été pillés et les lois sur la liberté des cultes ont été rendues illusoires par la malveillance du maire.

« Il est encore facile de découvrir ici les vues des dénonciateurs. On y reconnaît le génie des prêtres qui tend toujours à la propriété exclusive des églises. Il est vrai que celle de Saint-Pierre-de-Plesguen sert depuis longtemps de corps de garde. Sa situation, sur une éminence, un cimetière entouré de murs élevés présentaient un poste favorable à la troupe pour se défendre des incursions des chouans, s'ils s'étaient présentés. L'autorité militaire s'en empara et l'a conservée.

« L'église, comme domaine national, a encore servi à d'autres usages. Saint-Pierre-de-Plesguen est un lieu de logement de troupes ; les bataillons, dans leur marche, y ont déposé leurs effets, les chevaux galeux de la République y ont été souvent logés ; les grains provenant des contributions, les foins, les pailles, etc..., etc..., y ont été mis en dépôt. D'après ces faits, nécessités par les circonstances, il n'est pas surprenant que quelques boisures aient été brisées ; mais tous les effets précieux en ont été enlevés et transférés au cy-devant district de Port-Malo, et c'est par une extrême malveillance que l'on voudrait nous en rendre responsable.

« Quant à l'exercice d'un culte, aucun ministre n'a fait à l'administration de déclaration pour en exercer un, en se conformant aux lois. C'est donc encore à tort que le maire est accusé de s'opposer au libre exercice d'un culte, puisqu'il n'existe plus de maire et que l'administration municipale est organisée, depuis dix mois, d'après le voeu du peuple. Le bon ordre, la paix et la tranquillité règnent dans ce canton. Les lois y sont exécutées et nous croyons n'avoir pas mérité la vindicte publique à laquelle tenterait en vain de nous livrer une poignée d'imbéciles et de méchants.

« D'après nos réponses triomphantes, l'administration est fondée à demander, au nom de la chose publique, que ses dénonciateurs soient traduits devant les tribunaux comme calomniateurs et poursuivis suivant la rigueur des lois. Nous ne doutons pas, citoyen Ministre, que vous ne déployiez l'autorité de la loi contre des hommes qui, en calomniant les corps administratifs, ne se proposent que la subversion du gouvernement républicain auquel nous ne cesserons d'être attachés.

«Salut et respect. »

Signé : BOSSARD fils, président ; DUVAL, commissaire du Directoire exécutif; CHAUCHIX, HENRY, ROZÉ, THIERRY, RACLOUX, François GEORGES, Marie RUEL, agents municipaux.

VI. - Troubles et désordres dans la campagne environnante

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VII. . Période provisoire d'apaisement

Retour aux lois d'exception

Le régime institué par la constitution de l'an III prit le nom de Directoire (1795-1799). On crut à une période d'apaisement. Mais la situation financière et politique était toujours troublée et la guerre extérieure continuait. A l'intérieur les Vendéens reprirent le combat que le général Hoche parvint à terminer au début de 1796. Toutefois, en Bretagne les chouans continuaient une lutte sans espoir; Cadoudal fera sa soumission le 14 juin 1796.

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20 Thermidor an VI (1798) - La composition de la municipalité cantonale de Saint-Pierre-de-Plesguen, à cette date, est encore différente de celle de l'année précédente.

On trouve aujourd'hui :

Président: M. Henry.

Commissaire du Directoire exécutif : Duval.

Agents et adjoints municipaux :

Saint-Pierre-de-Plesguen : Chauchix, agent et Aubin, adjoint municipal.

Pleugueneuc : Radoux, agent et Guérin, adjoint municipal.

Meillac : Rozé, agent et Pierre Pellé, adjoint municipal.

Plesder : Simon, agent et Garnier, adjoint municipal.

Lanhélin : Corvaisier, agent et Lasnet, adjoint municipal, Bossard Ainé, secrétaire.

 

FOUILLES ET PERQUISITIONS

La lettre ci-après du 1° nivose an VI, semble montrer qu'à l'échelon du chef-lieu du département, on n'avait pas une confiance absolue dans les administrateurs du canton de Saint-Pierre-de-Plesguen ; le commissaire Duval l'a nettement compris.

Elle nous apprend, en effet, que le Commissaire du Directoire exécutif du canton voisin, de Miniac-Morvan, fut désigné par les autorités départementales pour effectuer des fouilles et des perquisitions dans le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen.

Dans la lettre que ce dernier écrivit au Commissaire du Directoire exécutif près l'administration départementale, après avoir exécuté sa mission, soit le 29 frimaire an VI, on remarque qu'il parle de « la chouannerie » au passé, ce qui laisse entendre qu'un certain calme était rétabli dans la région à ce moment. Il écrit aussi que le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen a toujours « été paisible » mais que 4 ou 5 assassinats y avaient tout de même été commis.

Voici le texte de ces deux lettres qui nous fournissent quelques renseignements intéressants.

1° nivose an VI - Le commissaire du Directoire exécutif prés l'Administration municipale du canton de Saint-Pierre-de-Plesguen au citoyen Beaugeard, commissaire... Saint-Pierre-de-Plesguen... le 1° nivose an VI de la République une et indivisible.

Aussitôt la réception de votre lettre du 22 frimaire, je fis passer à mon confrère Bohon, les deux paquets à son adresse. J'ouvre ensuite votre lettre du 20 du même mois qui me prescrivait des visites et fouilles ordonnées expressément par le Directoire exécutif. Je me rendis de suite auprès du commandant de la force armée cantonnée à Saint-Pierre pour me concerter avec lui et savoir la quantité de troupes qu'il me pourrait donner le lendemain. Il me répondit qu'il ne retiendrait que 5 hommes pour le service du corps de garde et que je pourrais disposer du reste.

Dans cet intervalle, mon confrère Boison, m'écrit qu'il est nommé par l'Administration Centrale du Département, commissaire pour cette opération dans son canton et le mien... Je déférai volontiers à la prière de cet ami, qui me fit part de sa nomination... Je.., l'assistai dans son opération qui dura les 25, 26, 27 et 28, et qui se termina par le désarmement de neuf personnes, tant ex- nobles que parents de prêtres déportés ou émigrés et le reste d'un civisme équivoque et, par faire faire le serment de haine à la royauté à un prêtre, de la commune de Meillac qui, terrorisé par les chouans, l'avait rétracté. Mon confrère Boison vous instruira sans doute de ma mission.

Je vous prie d'assurer l'Administration centrale, de mon civisme, qui n'a jamais changé depuis l'aurore de la Révolution jusqu'à présent. Je puis me flatter d'être patriote de 1789 et non d'aujourd'hui... Je ne crois pas avoir démérité de la patrie; oui, il faut que je sois bien peu connu du département pour nommer un commissaire d'un canton qui fourmillait de chouans à venir faire cette opération dans le mien qui n'en a pas fourni un et qui s'est montré... (?).., de chouans dans toute occasion.

Salut et respect (signé: DUVAL).

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Le Commissaire du Directoire exécutif près l'administration municipale du canton de Miniac-Morvan au Commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département d'Ille-et-Vilaine.

Citoyen Commissaire,

J'achevai hier, dans le canton de Saint-Pierre-de-Plesguen, la mission dont m'a chargé l'administration centrale par son arrêté du 16 courant. Mes recherches ont duré depuis le 25 jusqu'au 28. Elles ne m'ont prouvé l'arrestation que d'un seul individu. C'est le ci-devant vicaire de Meillac. Entraîné par les suggestions perfides des ennemis de la République, ce prêtre, homme simple et extrêmement faible, s'était rétracté depuis quelques mois Je l'ai engagé à prêter le serment; il l'a fait et signé en ma présence sans aucune restriction et ce qu'il est prescrit par la loi, devant l'Administration municipale de Saint-Pierre qui l'a consigné sur les registres. D'après cela, citoyen commissaire, je n'ai pas hésité un instant à mettre cet homme en liberté et je pense avoir ainsi parfaitement rempli vos vues. Je désirais en faire autant à l'ex-curé de la même commune qui se trouve dans le même cas, mais je n'ai pu le trouver. Quelques autres individus, bien plus dangereux entre autres Leroy, ex-curé de Plesguen et Cuguen, son ci-devant vicaire, tous deux émigrés ou déportés, rentrés étaient principalement l'objet de mes recherches. Il ne m'a pas été possible de les atteindre, malgré les fouilles et perquisitions, les plus exécutées, dans toutes les maisons et ci-devant châteaux où je présumais qu'ils pouvaient être.

J'ai cru, au reste, Citoyen Commissaire, devoir user de plus grands ménagements envers un canton qui toujours a été, paisible ; si 4 à 5 assassinats y ont été commis, ça été, suivant les renseignements que j'ai recueillis, par des hommes étrangers à son territoire. J'ai donc pensé qu'il était sage et politique de ne pas pousser bien loin même la mesure du désarmement : treize fusils, deux brigaches, une épée, un pistolet et une poire à poudre en ont été le résultat.

Il n'en est pas ainsi du canton de Miniac-Morvan. Ce pays a été le théâtre de toutes les horreurs pendant la chouannerie. Aussi y avais-je plus de 200 individus à désarmer...

J'avais ordonné l'arrestation de sept prêtres émigrés ou déportés, rentrés, que je présumais être cachés dans ce canton. Aucun n'a été pris. Trois ont été manqués : l'émigré Dorin, ci-devant curé de Tressé; l'émigré Charles Gandeul, ex-vicaire de Miniac-Morvan et Levrette ex-Eudiste...

Salut et fraternité ; (signé : BOISON).

DÉMISSION DES MEMBRES

COMPOSANT LA MUNICIPALITÉ CANTONALE

DE SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN

Il est certain que la nomination, par le Directoire du Département, du Commissaire du canton de Miniac-Morvan, à la place du Commissaire du canton de Plesguen dans une mission de confiance délicate comportant fouilles et perquisitions dans le territoire administré par ce dernier n'était pas de nature à satisfaire les membres de l'administration cantonale de Saint-Pierre-de-Plesguen.

Ils ont sans doute été amenés, peu à peu, à comprendre qu'une certaine suspicion planait au-dessus d'eux. Peut-être que d'autres actes de cette nature, que nous ne connaissons pas, survenus au cours des neuf mois qui ont suivi cette nomination, les ont décidés ou même contraints à se retirer.

Quoi qu'il en soit, leur lettre de démission collective, du 23 thermidor suivant, est explicite ; elle est basée uniquement sur la dite décision des Autorités départementales qui leur est apparue comme un affront. Peut-être aussi que les bruits que la lettre suivante, de la même date, nous fait connaître n'y sont pas étrangers.

Voici la lettre de démission:

« Les administrateurs municipaux du canton de Saint-Pierre- de-Plesguen et Commissaire du Directoire exécutif à Commissaire du Directoire exécutif à l'Administration centrale du département.

« Citoyens,.., quelque chose peut être injurieux aux sentiments patriotiques qui nous animent ; c'est l'affront que nous venons de recevoir dans l'exécution de la loi du 18 messidor dernier relative aux visites domiciliaires. Cette mesure a été confiée, sur notre canton, à l'Administration municipale de Miniac-Morvan...

«Nous n'entrerons dans aucun détail relativement à l'esprit public qui a dirigé dans toutes les circonstances de la Révolution les habitants de ce canton. Il suffira de vous observer qu'aux époques les plus critiques, aucun n'ont participé d'une manière active à la guerre civile qui a désolé nos confrères.., et que l'on ne pourrait pas dire autant du canton de Miniac-Morvan...

« Dans la circonstance pénible où nous nous trouvons, il ne nous reste donc que la proposition d'un dilemme bien facile à résoudre :

- ou les membres de l'administration ne méritent pas votre confiance ;

- ou vous considérez le Commissaire du Directoire exécutif, établi près d'elle, comme un homme nul.

Dans l'un ou l'autre cas, et, pour terminer promptement recevez franchement nos démissions et confiez nos fonctions à des mains plus habiles. Le commissaire Henry, Président de cette administration se charge de vous remettre la présente...

Ont signé : HENRY, président; GUÉRIN, CHAUCHIX, SIMON, DUVAL, ROZÉ, AUBIN, Pierre PELLÉ, BOSSARD AINÉ.

Seconde lettre du 23 thermidor an VI (1798).

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Le 27 thermidor - Le Directoire du département répond que la suppression des cantons est seulement une question d'économie et de rapidité dans les transmissions.

Receveur d'enregistrement - 5 messidor an VII (1799).

Le sieur Harivet, receveur d'enregistrement de Châteauneuf, a été muté à Saint-Pierre-de-Plesguen. Il n'a pu trouver à s'y loger. Les autorités locales proposent de lui donner le presbytère, car l'instituteur actuel n'a qu'un très petit nombre d'élèves et il ne l'occupe pas lui-même.

Signé : CHAUCHIX, DUVAL et PRIME Michel.

On ne sait si une réponse fut faite à cette proposition.

VIII. - Fêtes révolutionnaires

Des fêtes révolutionnaires furent instituées pour célébrer quelques uns des principaux événements de la République. Voici celles qui ont été célébrées dans la commune:

1. La fondation de la République (22 septembre 1792 ou 1er vendémiaire an 1).

2. Fête du serment de haine à la royauté. Instituée par une loi du 21 nivose an III (10 janvier 1795). Nous donnons ci-après le compte-rendu de celle du 2 pluviose an VII.

3. Fête des époux. Voir ci-après le compte-rendu de celle du 10 floréal an VI.

4.   Fête de la reconnaissance. Célébrée le 10 prairial de chaque année. Nous possédons le texte du compte-rendu de celle du 10 prairial an VI.

5.   Fête de l'agriculture. Célébrée le 10 messidor (28 juin) de chaque année. Nous n'en possédons aucun compte-rendu.

FÊTE DES ÉPOUX DU 10 FLORÉAL AN VI (mai 1798)

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« La fête s'est terminée par des chants patriotiques et des cris répétés de vie la République ».

Pour expédition conforme : signé : HENRY, Président ; BOSSARD (aîné).

FÊTE DU SERMENT DE HAINE A LA ROYAUTÉ DU 2 PLUVIOSE AN VII

(janvier 1799)

St-Pierre-de-Plesguen, le II pluviose an VII de la République.

Le Commissaire du Directoire exécutif du canton de Saint-Pierre-de-Plesguen, au citoyen Pontallier, Commissaire du Directoire exécutif près le département.

Vous trouverez ci-joint le procès-verbal de la fête du 2 pluviose qui a été célébrée avec enthousiasme dans ce canton. On y vit les sincères amis de la liberté réunis réitérer leur serment. Les instituteurs et leurs élèves y assistèrent et prêtèrent le serment. C'est dans ce jour que je les vis manifester leur intention d'exécuter l'arrêté du Directoire exécutif concernant le calendrier républicain avec la douceur, la persuasion et la fermeté. J'ai réussi à les faire suivre ce calendrier.

Le citoyen Rozé, agent municipal de Meillac, ne s'est pas présenté à la fête.

Salut et respect. (Signé: DUVAL).

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IX. - Le régime du Directoire et l'avènement de Bonaparte

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X. -La vente des biens du clergé

Avant la Révolution Française de 1789, la paroisse de Saint-Pierre-de-Plesguen possédait plusieurs communs. En particulier celui dit des « landes de Saint-Pierre » plus connu sous le nom de « landes sèches », dont la superficie était d'après les textes de 220 journaux, soit environ 106 hectares.

D'après divers documents, non contredits, ce dernier commun était une donation du Duc de Bretagne faite, vraisemblablement lors de la construction (ou de la reconstruction) de l'église paroissiale. Il est probable que ce Duc, fut, soit Jean IV (1364-1399), soit Jean V, dit le sage (1399-1442) lesquels furent de grands constructeurs d'églises et de chapelles, en particulier le dernier.

Le Général de la paroisse, c'est-à-dire l'organisme unique de gestion des intérêts à la fois spirituels et temporels de la paroisse, le mit à la disposition des habitants qui pouvaient alors l'utiliser pour le pacage des animaux domestiques de leur exploitation agricole. Les familles les plus pauvres pouvaient surtout y trouver une ressource non négligeable, qui était gratuite. Toute famille voisine de ce commun pouvait alors nourrir « une vache et un cochon » et parer aux plus urgentes nécessités de la vie.

Ce commun des « landes sèches» n'appartenait donc, ni à un noble, ni à une communauté ecclésiale, mais sûrement à l'ensemble des habitants.

Malgré cette évidence, ce commun fut considéré comme « bien du clergé et vendu au profit de l'Etat» (1789). D'autres petits communs furent vendus de même. Ce sont: le penné, le rocher de la Ricolais, le commun du Paillé et le commun du haut du bourg. Furent également considérés comme «bien national » les biens appartenant à la « fabrique » savoir : le pré de la planche, le clos de Jamois au Rocher Abraham, les Epinettes près la ville Esnée, un peu de terre à Labas (prés le Rouvre) et évidemment le Presbytère et son jardin, mais ce dernier ne fut pas vendu.

Nous sommes surpris que les Administrateurs municipaux, en place à la Révolution et dans les années qui ont suivi celle-ci, n'aient rien fait pour éviter la vente de ces biens, au moins du grand commun des «landes sèches ».

Celui-ci et les petits communs indiqués ci-dessus, furent mis en vente et adjugés à Rennes, le 15 juillet 1813.

Les petits communs furent acquis par plusieurs. Le commun des landes sèches, fut acquis par Jean-Baptiste Henry, maire, puis partagé entre lui et sept autres personnes.

Les habitants de la commune furent alors frustrés de la possession commune de ces biens, qui allèrent augmenter le patrimoine de quelques personnalités locales déjà en place.

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BIENS DE LA CHAPELLENIE DU TERTRE GUY

Ces biens, bâtiments et terres, situés au Rocher Marie, en Plesguen, avaient une superficie de 12 journaux et 16 cordes.

Ils n'ont probablement pas été vendus comme biens du clergé.

Une protestation dont voici le texte fut présentée par les propriétaires: Henry Mengeard demeurant à la maison du Tertre Guy et plusieurs membres de la famille Iris, demeurant au Tertre Guy. « Ils protestent contre la mise en vente de ces biens qui n'ont jamais été affectés à aucune fabrique ni obîtrie et que s'ils sont connus sous la dénomination de « chapellenie du Tertre Guy », c'est qu'en effet leurs auteurs, qu'ils représentent encore aujourd'hui, ayant fait bâtir une chapelle domestique dans la cour de leur maison, dont-il ne reste que les murailles, le feu y ayant pris par accident, il y a quelques années, y avaient affecté les héritages en question pour salarier le prêtre qu'ils choisissaient pour avoir la messe et être instituteur de leurs enfants.., que leurs titres même portent expressément ces conditions... ».

Henry-Nicolas Mengeard (ou Maingeard) en question dit sieur du Tertre Guy, était né le 21 août 1735 et marié à Evran en 1779, à Thérèse-Renée Le Forestier. Il fut maire de Tressé en 1792.

Quant au représentant de la famille Iris, il ne peut s'agir que de François-Robert Iris, qui se maria deux fois, dont en 1786 à Magdeleine Piednoir, Il était le fils de N. H. François Iris, sieur de la Blochetière originaire de La Chapelle-aux-Filzméens, marié le 9 février 1754 à demoiselle Claire de Bien, mort le 25 août 1782 ; ils habitaient le Tertre Guy.

Biens de la fabrique par la confrérie du Saint-Rosaire.

l.     Pré de la planche, clos de l'Ourme, les préaux ou prairie des prêtres ;

2.   le clos Jamois au Rocher Abraham ;

3.   les épinettes prés la Ville Enée (un journal environ) ;

4.   près le village de Labas (Rouvre) 12 cordes et demie ;

5.   presbytère et son jardin.

La parcelle n° 3 acquise par J.-B. Henry pour 3 500 francs et la parcelle n° 4, par le même, pour 40 francs.

Je n'ai pas de renseignement pour les parcelles 1 et 2. Quant au presbytère, il n'a pas été vendu.

XI. . Vente des biens des émigrés

Les particuliers propriétaires qui émigrèrent pendant la Révolution virent leurs biens saisis et vendus au profit de l'Etat. Voici une liste des bien vendus, pour lesquels nous avons trouvé des renseignements.

Biens dépendant du Rouvre, M. Dubourblanc émigré.

a)   Maison principale du Rouvre (château), autres bâtiments, cour, jardins, grand étang, bois, avenues, prairie, chapelle.

Acquéreur : Jean Delpeux et associés à Saint-Malo pour 776 000 francs.

b) Métairie de Licornou, bâtiments, landes, terres environ 167 journaux y compris au midi du grand étang 131 journaux en landes.

Acquéreur: Duval pour le compte de Jean Delpeux à Saint- Malo pour 4 200 francs.

c)   Métairie du Rouvre, bâtiments, terres, prairies, rocher, environ 65 journaux.

 Acquéreur : Chaumet pour M. Badin, prix 4 300 bancs.

d)  Métairie de la Ville Briand, bâtiments, terres, etc, environ 67 journaux.

Acquéreur: Jean Carouge à Saint-Servan, prix 6975 bancs.

e)   Métairie de la Croix, bâtiments, terres, etc, environ 51 journaux.

 Acquéreur : Chaumet pour Bodin, prix 4800 bancs.

f) Métairie du Bois Mandé, bâtiments, terres, etc, environ 68 journaux.

Acquéreur: Jean Carouge à Saint-Servan, prix 3725 francs.

g) Bois taillis du Bois Mandé, environ 85 journaux 17 cordes.

Acquéreur : Jean Carouge à Saint-Servan, fournisseur de la marine 50000 francs.

h) Les deux moulins à eau du Rouvre.

l. Le grand moulin ; moulin, maison du meunier, étables, petit jardin et pièce de terre.

2. Le petit moulin ; bâtiments.

Le tout acquis par J.-B. Henry, à Saint-Pierre-de-Plesguen et son associé Pierre Aubin; (acte du 15 thermidor an VII).

i) Le Bois taillis du Rouvre, environ 260 journaux.

Acquéreur : François Jugan à Rennes pour 733000 francs.

j) Métairie de la Fresnaie, maisons et terres, sans renseignements pour la contenance.

Acquéreur : P. Aubin, prix inconnu.

 

BIENS provenant de:

M. JEAN-BAPTISTE GUÉHENNEUC DE BOISHUE

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BIENS provenant de :

CHARLOTTE MARIE-CLAUDE DE CLEUZE, ci-devant douairière DE LA MASCOT

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BIENS provenant de : GOBER DE KÉRISOÉL

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BIENS provenant de : FRANçOIS-GUY JOURDAIN DE HIREL

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EMIGRATION de : JACQUES LEROY, ex-curé de Saint-Pierre-de-Plesguen

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